Le Donguibogam (동의보감 東醫寶鑑) fête ses 10 ans ! Le 31 juillet 2009 très exactement le livre de la médecine coréenne, est inscrit au Registre de la Mémoire du Monde de l’UNESCO. Une longue histoire qu’on vous révèle maintenant. Bonne lecture.
Origine et objectifs du Donguibogam
Le Donguibogam, appelé Miroir de la Médecine orientale en français, est une encyclopédie de vingt-cinq tomes qui recense toutes les sciences médicales coréennes du début du XVIIe siècle. Rédigée par le médecin Heo Jun (허준 | 許浚 – 1546-1615), cette encyclopédie médicale est un grand classique de la culture coréenne et fait partie intégrante du patrimoine coréen.

Musée national de Corée, Séoul, 10 novembre 2018
Source : Unesco
Sa rédaction est ordonnée par le roi Seonjo de la dynastie Joseon alors qu’il réorganise le royaume après des décennies de corruption et revalorise les hommes de lettres (donc de sciences à l’époque de Joseon) que les purges littéraires ont affaiblis. Il destine aussi cet ouvrage aux gens du peuple.
La commande du Donguibogam apparaît à une ère où la Corée se remet de l’instabilité politique du XVIe siècle. L’ordre du roi survit aux invasions japonaises (1592 et 1598) puis à la mort du monarque et au changement de règne. Seize années sont nécessaires pour achever l’ouvrage qui va devenir un fondamental de la médecine asiatique.
Que révèle l’encyclopédie ?
Fondé sur la philosophie taoïste, le Donguibogam est un ouvrage important de la pensée médicale coréenne. Il repose sur le concept de la préservation du corps par l’équilibre des énergies. S’ouvrant sur un tome décrivant la cosmologie du corps et de l’Univers, l’ouvrage expose les postures de méditation et de retrait comme essentielles à la bonne santé humaine.
Le Donguibogam est composé de 5 grandes parties
- La médecine interne, Naegyeongpyeon (내경편, 内景篇)
- La médecine externe, Oehyeongpyeon (외형편, 外形篇)
- Les maladies malignes, Japbyeongpyeon (잡병편, 難病編)
- Les remèdes, Tangaekpyeon (탕액편, 湯液編)
- L’acupuncture, Chimgupyeon (침구편, 鍼灸編)
Quelques principes médicaux

Source : Pixabay
Le Donguibogam explique, dans le tome consacré à la médecine interne, l’importance des interactions entre les organes internes. Ainsi le foie, les poumons, les reins, le cœur et la rate s’influencent dans les maux ou les cures.
La peau, les muscles, les vaisseaux sanguins, les tendons et les os sont, eux, cinq éléments du corps étudiés dans la médecine externe. L’encyclopédie les décrit comme essentiels pour conserver forme et capacité de mouvement. Le pouls a une place toute particulière dans la médecine traditionnelle coréenne. Il représente l’énergie céleste et est le premier portail d’analyse et de diagnostic de la santé d’une personne.
L’encyclopédie recense et classifie l’ensemble des pratiques médicales de l’époque (pharmacopée, acupuncture et moxibustion) et détaille les soins appropriés pour chacune. La période de cueillette des plantes ainsi que les recettes y sont aussi précisées.
Les mystères de l’encyclopédie
Comme de nombreux ouvrages anciens, le Donguibogam recèle de paragraphes qui nous semblent aujourd’hui bien mystérieux. Le chapitre Remèdes révèle ainsi une recette permettant de devenir invisible. Une maladie étonnante, appelée yukjing, dont le principal symptôme est la faim constante de viande, reste pour nous inconnue.
Le Donguibogam de nos jours

Source : Korea_Sancheong_Traditional_Medicine_EXPO_01
Aujourd’hui, le Donguibogam continue d’influencer fortement la pensée coréenne. Après la libération de 1945, la Corée s’est servie du Donguibogam comme de référence pour former ses spécialistes de la médecine traditionnelle. « Un médecin qui a un impact important sur la santé de ses patients doit être guidé par ses vertus », rappelle Heo Jun.
Le principe taoïste qui imprègne l’ouvrage se diffuse aujourd’hui sous la forme d’« écologie profonde », qui considère l’humanité comme partie intégrante de l’écosystème planétaire. Les concepts de non-agir et de non-être sont eux aussi repris depuis l’encyclopédie pour certaines formes de cures traditionnelles.
En 2013, lors du quatre-centième anniversaire du Donguibogam, l’encyclopédie a été traduite pour la première fois en anglais.
Les dramas
Le livre précieux traitant de la médecine orientale continue d’inspirer de nombreux auteurs et réalisateurs contemporains.
L’écrivain Yi Eunseong (이인성 | 李仁星) lui dédie un roman dans lequel il raconte l’épopée du médecin Heo Jun pour compiler tous les savoirs médicaux de son temps. Publié en 1990, le livre est devenu culte et a même donné suite à la série télévisée Dongui Bogam (1991).
En 1975 et 1976, la série Jibnyeom (집념) puis le film qui lui succède racontent l’histoire de Heo Jun.
Le drama Secret Healer, ou Mirror of the Witch (마녀보감), met en scène Heo Jun sous les traits de Yoon Shi Yoon.
Plus récemment, en 2017, le drama Deserving of the Name (명불허전) propose la rencontre d’un médecin de Joseon téléporté dans les temps modernes pour partager son art traditionnel de l’acupuncture.

Conclusion
Le Donguibogam est aussi un ouvrage politique, dans lequel Heo Jun expose sa mission engagée en tant que médecin. Il rappelle que les actions de l’homme exercent une influence déterminante sur la dynamique du ciel et de la terre ; et que les médecins doivent porter leurs savoirs et pratiques avec vertu. L’humanisme qui se dégage de l’ouvrage, compilé en période de grand chaos, en est d’autant plus saisissant de nos jours où les instabilités écologiques nous rappellent combien le déséquilibre d’un écosystème peut nous entraîner à notre perte.
Sources : Korea.net | UNESCO | Researchgate | Revolvy | Journal of Korean Oriental Medicine | Image de couverture