Quinze jours après Seollal, les Coréens se rassemblent pour observer la première pleine lune de l’année (lunaire). C’est la fête traditionnelle du Daeboreum. K.Owls vous entraîne à la découverte de l’histoire et des activités de cette fête qui, cette année, s’est déroulée le 2 mars.
Jeongwol Daeboreum, la fête de la lune
Les premières traces de la fête du Jeongwol Daeboreum (정월대보름) – littéralement Grande Lune du premier mois – datent du 21e roi de Silla* au VIe siècle. À l’époque, une guerre, causée par l’affaire du gomugo – adultère entre une concubine royale et un moine -, laisse la famille royale dans l’embarras. Pour y remédier, le roi instaure tous les cinq et six ans (années du rat, du cheval et du cochon) la fête du Daeboreum. Le but est d’apaiser les divinités célestes.
*Il s’agit du roi Soji de Silla qui régna de 479 à 500 apr. J.-C..
On peut supposer que la pratique existait antérieurement et qu’elle provenait de rites chamaniques. Le conflit avec les moines bouddhistes aurait pu inciter le roi à soutenir d’autres mouvements religieux. On sait, en revanche, que la pratique a continué d’apparaître dans les registres d’état, notamment dans les Anales de la Dynastie Joseon, et a perduré jusqu’à aujourd’hui.
De nos jours, Jeongwol Daeboreum est une fête populaire importante à l’instar de notre Mardi Gras. Traditionnellement, le jour de la pleine lune, les groupes de musique paysanne parcourent les villages et tournent en rond pour piétiner le sol. Le but est d’apaiser le dieu de la terre et de souhaiter la paix pour les familles et le village. En échange, les habitants offrent de l’alcool et de la nourriture en guise de remerciement.
Une fête du feu en équilibre avec la lune !
La culture coréenne repose sur la pensée taoïste du Eum (음) et du Yang (양). Ce principe, qui imprègne les philosophies et courants de pensée orientaux, estime que le monde repose sur un principe d’équilibre. On trouve d’un côté les forces Eum (eau, lune, femme) et de l’autre côté les forces Yang (feu, soleil, homme).
Aussi, alors que la première pleine lune s’élève dans le ciel, il convient de contrebalancer sa puissante énergie par des principes Yang. Le feu est donc un élément essentiel de la fête du Daedoreum !
Le Daljip (달집) est un tas de paille ou de brindilles que l’on érige en hauteur en forme de pagode. On le fait ensuite brûler pour écarter la malchance et porter bonheur.
Ainsi, la veille du Daeboreum, on joue au Jwibulnori (쥐불 놀이). Les enfants font tourbillonner une boîte enflammée au bout d’une corde en décrivant de grands cercles. À l’origine, il s’agissait d’un jeu traditionnel visant à fertiliser les champs et éliminer les vers nuisibles. Aujourd’hui, c’est un spectacle que les gens viennent admirer.
Mogitbul (모깃불) est un feu de jardin que les habitants allumaient à l’aube. Ce feu de paille avait pour objectif d’éliminer les moustiques et insectes invasifs.
Rituels pour la chance
Qui dit fête de la lune dit lune à contempler ! Et nombreux sont les Coréens qui grimpent sur les collines et contemplent la montée de la première pleine lune. C’est le Dalmaji (달맞이). On disait que ceux qui verraient l’astre nocturne se lever en premier auraient de la chance toute l’année ou qu’un souhait leur serait accordé.
Autrefois, pour apporter de la chance, les femmes se retrouvaient la veille de Daeboreum. Elles immergeaient alors des méduses dans des courants d’eau douce et priaient : « Lune écoute mon souhait ! » (달님 소원을 들어주세요 !). On appelait ce rituel Bangsaeng (방생).
Rituels pour la fortune
Outre la chance, les gens espéraient de la richesse. C’est pourquoi il était coutumier pendant la nuit du Daeboreum de prendre de la boue dans les maisons fortunées pour en recouvrir ses propres murs. C’est le rituel du Bokto Hoomjiki (복토 훔치기).
La veille du Daeboreum, dans les campagnes, les gens attendent qu’un coq crie puis puisent l’eau d’un puits. C’est le Yongaltteugi (용알 뜨기). On croit que celui qui récupère l’eau en premier aura de bonnes récoltes de riz durant toute l’année.
Rituels pour la santé
Dira-t-on jamais assez combien les dents sont précieuses ? En Corée, lors de la fête du Daeboreum, les gens cassent des noix à pleines dents pour les garder seines toute l’année. On appelle ce rituel le Bureom (부럼 깨기.
Durant la période Joseon, il était courant d’effectuer le Daribalgi (다리 밟기). Les noctambules faisaient des allers-retours sur des ponts. On espérait ainsi affermir ses jambes et avoir de la force physique toute l’année. À l’époque, on estimait que si l’on parcourait douze ponts, on serait en bonne santé pendant les douze mois suivants.
Rituels de socialisation
Santé, chance, richesse sont essentielles mais le groupe social l’est tout autant. C’est pourquoi plusieurs rituels valorisent la reconnaissance du groupe.
Pendant la cérémonie du Gisaebae (기 새배), les fermiers se rassemblaient pour se saluer dans l’ordre hiérarchique. Des compétitions étaient organisées entre les différents villages avec par exemple des jeux de tir à la corde.
Le matin suivant le Daeboreum, il est de coutume de rendre visite à ses amis ou aux membres de sa famille et de les appeler par leurs prénoms. A appelle B par son prénom. Si B se retourne, on l’exhorte : « Achetez ma chaleur » (더위 팔기) ! Il devient ensuite l’acheteur et A le vendeur. On dit que le vendeur ne souffrira pas de la chaleur l’été prochain alors que l’acheteur oui. Et on espère ainsi éviter les torrides chaleurs de l’été tout en taquinant ses proches.
Que mange-t-on lors du Daeboreum ?
Le jour du Daeboreum, les gens dînent très tôt et mangent beaucoup. Il n’est pas rare de commencer à 14 h le jour de la pleine lune et de finir au matin suivant. En effet, les Coréens se retrouvent entre voisins et s’apportent des plats et des vivres les uns aux autres. C’est ce qu’on appelle le riz de la ville natale (세성 받이 밥). Si l’on commence trop tard, on risque de devoir un repas à ses voisins et manquer de courtoisie.
Parmi les mets que l’on déguste lors du Daeboreum on trouve des yakbap (약밥), le riz ogokbap (오곡밥), chalbap (찰밥), des muguennamul (묵은 나물) et du bokssam (복쌈).
Au petit matin, les gens boivent du guibargisul (귀밝이술), une liqueur de riz froid. Celle-ci nettoierait les oreilles pour l’année à venir et contribuerait à n’entendre que les bonnes nouvelles.
Sources : Revolvy | Simon Duponteix | Visit Korea | koreanblog
Article rédigé par Casado Hélène.