« Même si c’était en fait la bestialité et la cruauté propres à l’instinct humain qui leur faisaient laisser des traces de boue sur le maru et casser objets et vitres encore intacts, ils se disaient que c’était une compensation qui leur était due ou que leur haine était bien normale. » extrait de La pierre tombale
À propos de l’auteure
Cinquième enfant d’une famille séoulite, Oh Jung Hi (오정희) est née en 1947. Après une enfance de réfugiée, elle s’installe à Incheon avec sa famille. De cette période passée dans le quartier chinois, elle écrira le recueil Chinatown. Oh Jung Hi commence à écrire des livres très tôt. Alors qu’elle n’est que lycéenne, elle obtient le prix annuel du Joong Ang Ilbo (중앙일보) et se lance dans des études littéraires à l’université Ehwa en 1960.
Puis elle travaille pour divers éditeurs et magazines tout en continuant d’écrire. En 1974, elle publie sa première anthologie, The River of Fire. En 1979, elle a reçu le prix de littérature Yi Sang et est aujourd’hui l’un des auteurs les plus importants de la Corée du Sud. Dans ses récits qui traitent de la guerre de Corée ou de la vie familiale, Oh Jung Hi se concentre plus sur les personnages que sur le contexte historique. Ses œuvres s’intéressent principalement aux personnages principaux féminins et à leurs familles.
Source : Digital library of korean litterature
Résumé
Nord de la Corée, port de Haeryong. Dans la ville, il y a cette pierre tombale dont plus personne ne sait ce qu’elle commémore mais que tous conservent. Comme le centre d’un pays natal qui se transforme, la pierre tombale est le repère de Hyondo, un jeune garçon de neuf ans dont la vie est chamboulée par les événements de cette fin de Guerre Mondiale. L’indépendance retrouvée apporte avec elle son lot de chaos. Le monde de ce garçon, fils de petit propriétaire, dérive peu à peu vers un océan de désastres qui portera sa famille sur les mers de l’exil.
Mon avis sur La pierre tombale
La pierre tombale est ce genre de livre qui, à travers les yeux de l’enfance, raconte l’atmosphère d’une période. Ici, c’est la transition entre la fin de la colonisation japonaise et le début de l’intervention soviétique qui est narrée. Les comportements des habitants de la ville changent du tout au tout sans que le jeune Hyondo ne le comprenne. Sans être narrateur, le garçon nous emporte dans la dureté de son époque.
Personne n’est épargné dans ce récit qui révèle crûment une période de chaos. Les camps des Japonais, les Coréens survivants d’Hiroshima, les propriétaires spoliés sont autant de réalités que l’on ignore. Pourtant, derrière ce décor chaotique, les jours s’écoulent les uns après les autres. Aussi le récit a cette double apparence, à la fois dure mais quotidienne.
Reste ce sentiment étrange, de scènes irréelles comme une pièce de théâtre. Comme si la vie dans la ville de Haeryong était devenue une comédie humaine. La pierre tombale devient alors le gradin depuis lequel Hyondo regarde les spectacles du quotidien. Objet séculaire, cette pierre dont on ignore l’origine exacte – mais que les personnages du récit tiennent tant à honorer – est comme la mémoire amnésique d’une Corée qui se modernise contre sa volonté. Point de repère dans une période trouble, les personnages gravitent autour de la pierre tombale. Elle est finalement peut-être le véritable personnage principal de ce récit dont l’ambiance subtilement réaliste révèle une époque de l’histoire coréenne.
Où le trouver ?
La pierre tombale de Oh Jung Hi, Trad. Jacques Batilliot et Jeong Eun Jin, Ed. philippe Picquier, 2004, ISBN : 2877307506
Article rédigé par Casado Hélène.