L’aviation coréenne au début du vingtième siècle est fortement liée à l’exil et tous les aviateurs coréens se sont formés à l’étranger. Faute d’école d’aviation sur la péninsule, ils se sont rendus au Japon, aux États-Unis, en Chine et même en Europe. Seowalbo a été l’un des doyens de l’air, ayant appris l’aéronautique à 32 ans à Beijing. Lee Eung Ho grandit, lui, aux États-Unis d’où il s’envole pour l’Europe durant la Première Guerre mondiale. Voici leurs histoires.
Seowalbo (서왈보)
Seowalbo est né le 9 mars 1887 à Wonsan dans l’actuelle Corée du Nord. Enfant, il suit ses études à l’école Daesung de Pyongyang. Mais en 1910 le Japon annexe la Corée, la rattachant à son empire. Alors qu’il est âgé de 23 ans, Seowalbo s’exile en Mandchourie où il rejoint les armées de seigneurs de guerre chinois et participe aux mouvements d’indépendance en pillant les lignes ferroviaires de la région.
En effet, au début des années 1910, la région est très instable politiquement. Depuis un demi-siècle, la Chine, la Russie et le Japon, nouvelle force émergente, se disputent la zone, riche en matières premières. Les plans de développement des lignes ferroviaires lancées par l’empire de Russie puis reprises par le Japon attirent des groupes armés. Les seigneurs de guerre chinois profitent de l’instabilité de l’empire Qinq moribond et se mènent une lutte interne acharnée. De nombreux Coréens s’installent bon gré mal gré dans la région et les mouvements indépendantistes opèrent leurs guérillas à l’encontre du Japon. Encore mal organisés, certains de ces groupes armés relèvent plus du banditisme que de « l’armée vertueuse ». C’est pourquoi de nombreux indépendantistes se tournent vers les armées chinoises pour mener leurs combats. C’est le cas de Kwon Ki Ok mais aussi de Seowalbo.
Exilé en Mandchourie, celui-ci se rend en 1913 en Corée afin de collecter des fonds pour financer l’achat de chariots et de chevaux. Il assiste à la démonstration aérienne de l’armée japonaise et est impressionné par les possibilités que semble offrir l’aviation. Dès lors il a pour objectif d’apprendre à voler dans les airs. En 1919, il intègre l’école d’aviation de Pékin (中國 陸軍 航空 學校). Il a alors 32 ans. Diplômé, il participe jusqu’en 1924 à de nombreuses batailles pour les seigneurs de guerre chinois, dont Feng Yuxiang (馮玉祥).
En 1920 Seowalbo aurait rencontré Choi Yong Deok et Kwon Ki Ok en 1925 ce qui montre que les aviateurs coréens se connaissaient, bien que n’étant pas toujours dans les mêmes armées.
En 1925, Seowalbo rejoint Han Heung (한흥|韓興) et Cho Nam Seung à Pékin où il participa à un plan de distribution de prospectus anti-Japonais. Durant l’année qui suit, il continue activement à participer aux mesures des mouvements indépendantistes. Mais, le 6 mai 1926, alors qu’il conduit un nouvel aéronef italien dans le cadre d’un vol d’essai, son avion se crashe au-dessus de Zhangjiakou (张家口) dans la province du Hebei en Chine. Seowalbo avait 40 ans.
Sources : Kukbang | OhMyNews | Maekojin Konghan | NamuWiki | KRZZJN
Lee Eung Ho (이응호)
Lee Eung Ho, alias George Lee, est l’un des premiers aviateurs coréens à voler en dehors de l’Asie, et sans doute le premier à survoler l’Europe. Né à Jemulpo (제물포) – aujourd’hui rattaché à Incheon – en 1896, Lee Eung Ho quitte la Corée à l’âge de 7 ans. Son père, Lee Doo Hyung, semble avoir été proche des mouvements d’indépendance naissant et aurait été convié par Ahn Chang Ho (안창호) à rejoindre la communauté coréenne aux États-Unis. Suivant son père le 30 mars 1903 alors que celui-ci migre à Hawaï, Lee Eung Ho grandit dans un climat plutôt hostile aux nouvelles vagues de migration et dans un environnement politique marqué. En effet, son père intègre rapidement l’Assemblée nationale populaire coréenne (대한인국민회 회원).
En 1914, la guerre éclate en Europe et bien que les États-Unis ne se soient pas encore positionnés dans le conflit, Lee Eung Ho semble avoir voulu prendre part à l’effort de guerre. Il tente à plusieurs reprises de rejoindre l’United States Army Air Corps mais celle-ci est réservée aux citoyens américains. Il envoie de nombreuses pétitions afin d’être intégré dans les rangs de l’armée de l’Air. Lorsque les États-Unis déclarent la guerre à l’Allemagne le 6 avril 1917, les autorités mettent en place un système de tirage au sort auquel les communautés asiatiques doivent aussi prendre part.
Lee Eung Ho intègre finalement l’United States Army Air Corps et apprend le pilotage à l’école d’aviation Mitchell Field à Long Island, New York. Après avoir achevé sa formation en 1918, il rejoint le front européen. Un doute reste cependant présent concernant le type d’aéronef qu’il aurait dirigé et les missions qui lui auraient été confiées. En effet, à l’époque, les écoles d’aviation forment aussi bien au pilotage des avions que des dirigeables. Certains dirigeables intégraient aussi des avions en leur sein si bien que Lee Eung Ho aurait très bien pu piloter les deux types d’engins pour des missions de reconnaissance ou de bombardement. Les archives ne permettent pas d’élucider complètement les détails des vols militaires effectués par Lee Eung Ho. N’en demeure pas moins que le jeune homme a effectué près de 156 sorties aériennes sous le drapeau américain durant la Première Guerre mondiale.
De retour à la vie civile, Lee Eung Ho se marie avec sa fiancée américaine qu’il semble avoir rencontré durant ses études de pilotage à New York. Après la guerre, il travaille dans l’usine de caoutchouc du grand-père de son épouse et ambitionne d’étudier l’électromécanique. Les journaux indépendantistes de l’époque mentionnent qu’il aurait effectué ce choix afin de participer activement aux mouvements d’indépendance coréens. En 1920 Lee Eung Ho devient père et ses traces deviennent plus difficiles à suivre. On ne sait quand la mort vient-elle le happer ni quelle vie il mène après ses années d’aviation. A-t-il repris les voies de l’air ?
Sources : Korea Daily | Naver (1).(2) | Hani.co.kr | UCRToday
Article rédigé par Casado Hélène.