En juillet 2021, le gouvernement sud-coréen a proposé une loi pour lutter contre les « fake news » dans les médias. Mais ce projet de loi a fortement été décrié comme anticonstitutionnel par les journalistes sud-coréens, récemment soutenus par l’Association mondiale des journaux.
Une loi du Parti Démocrate contre les « fake news »
En juillet 2021, le Parti Démocrate, actuellement au pouvoir en Corée du Sud, a convoqué un comité spécial pour discuter d’un projet de loi sur la réforme des médias. À l’issue de la réunion, le parti a proposé la mise en place de sanctions financières pour les organes de presse produisant de faux rapports.
Cette loi s’inscrit dans le cadre d’un nouveau système d’aide pour lutter contre les dommages causés par les « fake news » : il existe actuellement en Corée du Sud un système de compensation financière pour dédommager les victimes, mais il est souvent difficile de calculer le coût des dommages causés par une « fake news » et en cas d’impossibilité d’estimation, les compensations peuvent s’élever à près de deux millions d’euros. Le gouvernement sud-coréen cherche donc à responsabiliser les médias qui diffusent ces fausses informations, afin de limiter ces coûts.
Le comité spécial a par la suite précisé que la responsabilité des médias en question ne sera reconnue que si les « fake news » sont confirmées comme malveillantes. Les médias ne devront pas non plus payer s’ils ont fait suffisamment d’efforts pour vérifier l’authenticité de leurs informations et s’ils précisent dans leur article qu’une demande de vérification a été demandée.
Une réforme « anticonstitutionnelle » rejetée par les journalistes
Sans surprise, ce projet de loi n’a pas été bien accueilli par les médias sud-coréens.
Dans un éditorial, The Korea Herald a déclaré que ces sanctions financières pourraient entraver la liberté de la presse dans la mesure où elles inciteraient à la multiplication de poursuites infondées contre les médias. Ajouter des sanctions aux lois actuelles serait également excessif, d’autant plus que les victimes peuvent déjà obtenir des excuses publiques. En outre, la plupart des « fake news » voient le jour sur les réseaux sociaux, qui ne sont pas concernés par ces nouvelles sanctions.
Les journalistes estiment d’ailleurs que si le gouvernement s’inquiète réellement des dommages causés par les « fake news », il doit faire preuve d’exemplarité : les politiciens sud-coréens ont à de nombreuses reprises nié des allégations de la presse en proposant des contre-arguments sans fondement statistique ou factuel.
Six organes de presse sud-coréens ont donc joint leurs forces afin d’empêcher cette réforme, en collectant des signatures qu’ils soumettront le 20 août 2021 à la Maison Bleue et à l’Assemblée sud-coréenne. Selon eux, le risque de sur-réglementation que représente la loi s’opposerait à la liberté de la presse garantie par la Constitution et empêcherait les médias de critiquer le pouvoir politique et économique du pays. Ainsi, les organes de presse ont demandé à la Cour constitutionnelle de Corée de vérifier la constitutionnalité de la réforme.
La semaine dernière, ces organes de presse ont été soutenus par l’Association mondiale des journaux (AMJ), preuve du risque que peut représenter un tel projet de loi.

Face à la polémique, le Parti Démocrate a modifié son projet de loi en décidant d’exclure certaines catégories de personnes influentes des individus pouvant réclamer des dommages auprès des médias. Les personnes qui affirmeront avoir été victimes de « fake news » devront quant à elles prouver les dommages perçus.
Si les discussions avec le comité spécial continuent, le gouvernement a tout de même l’intention de faire passer la loi le 25 août 2021.