Les dramas scolaires sont nombreux et se concentrent principalement sur la vie des élèves. Dans Black Dog, vous pourrez découvrir une autre facette de l’éducation sud-coréenne en suivant le quotidien des professeurs.
Enseignant : un métier qui fait malheureusement l’actualité en Corée du Sud, puisqu’à la suite de plusieurs suicides depuis juillet 2023, ce sont 120 000 enseignants qui se sont réunis à Séoul pour manifester et demander la protection du gouvernement. Si le sujet vous intéresse, le hibou Liz a récemment écrit un article sur cette actualité. Maintenant, parlons de Black Dog.
Avertissement : Dans cet article, je vais utiliser des termes utilisés dans la traduction Netflix qui sont des équivalents des termes du système scolaire français. Toutefois, il n’est pas impossible suite à cette traduction de perdre des subtilités de langage du système scolaire sud-coréen.
Résumé
Go Ha Neul est engagée en tant qu’enseignante vacataire en coréen dans le lycée privé Daechi. Très rapidement elle découvrira la réalité du métier et va devoir se battre sur plusieurs fronts avant de devenir l’enseignante qu’elle rêve d’être.
Black Dog : le syndrome du chien noir
Regarder Black Dog, c’est un peu comme se retrouver dans la peau d’un journaliste d’investigation et découvrir de manière romancée le système éducatif d’un lycée privé.
Pour s’infiltrer dans la complexité du système scolaire, le drama a choisi le syndrome du « chien noir », une croyance (pas uniquement coréenne) selon laquelle le chien noir ne serait jamais adopté uniquement parce qu’il est noir. Une métaphore sur les préjugés qui va guider le scénario pendant les seize épisodes.
Dans le drama, le spectateur découvrira deux « chiens noirs », d’abord le lycée Daechi, dernier dans le classement des lycées du quartier et souffrant de sa mauvaise réputation, ainsi que le personnage de Go Ha Neul engagée en tant que vacataire pour une année dans ce même lycée et fortement soupçonnée d’avoir été pistonnée et rejetée par ses collègues pour cette même raison.
La désillusion de Go Ha Neul
Go Ha Neul, qu’un tragique accident pousse à devenir enseignante, s’imaginait sûrement devant un tableau noir entrain d’enseigner le coréen à ses élèves. Elle va découvrir un véritable champ de bataille avec des multiples compétitions : entre les élèves, entre les professeurs, entre les vacataires, entre les départements, entre les écoles… Le tout sous la forte pression des parents et des universités qu’il faut séduire et convaincre à tout prix.
Face à cette multitude de batailles à mener, la série démontre comment l’enseignement, les élèves et le tableau noir ne sont finalement plus la priorité des professeurs. La charge administrative est pesante et le décor s’attache à la rendre palpable avec des piles de feuilles et de dossiers qui pourraient servir de mobilier. L’agencement retenu avec des cloisons vitrées dans toutes les salles, rend l’ambiance oppressante, les professeurs semblent constamment observés, en cours comme dans leurs bureaux, que ce soit par leurs collègues, mais également par leurs supérieurs ou encore par les élèves. Ainsi, en cas de conflit, tout le monde peut alors observer la scène. Face à ce décor, c’est encore le préjugé qui est pointé du doigt par le scénario, un collègue qui part plus tôt, qu’importe la raison, sera mal vu et jugé par ses pairs, un jugement effrayant qui pousse certains professeurs à rester au lycée même en cas de maladie.
Les rivalités, les conflits et enfin les termes utilisés (discrimination, délation, corruption…) nous rappellent curieusement l’atmosphère des grands conglomérats.
C’est dans cette ambiance que Go Ha Neul va devoir trouver sa place, car en tant que vacataire, son objectif est de se titulariser pour obtenir un CDI. Pour faire les bons choix, son personnage va remettre l’élève au centre de ses préoccupations et de ce fait privilégier l’esprit d’équipe avec ses collègues. Malgré des intentions justes, elle reste une rivale pour les autres vacataires et doit non seulement faire ses preuves mais également éviter les pièges de ses collègues, d’autant que sa réputation de vacataire « pistonnée » ne lui facilite pas la tâche.
Les meilleurs deviendront meilleurs
Le quotidien des élèves est évoqué très partiellement dans Black Dog et se concentre sur les professeurs. Pour illustrer ses propos et dénoncer les inégalités sociales, le scénario va se focaliser sur trois profils types de lycéen à travers trois personnages :
- Koo Jae Hyun évoluant dans un milieu aisé,
- Jin Yoo Ra, obligée de travailler à temps partiel,
- Hwang Bo Tong qui ne trouve pas sa place dans ce système.
De gauche à droite : Ji Yoo Ra, Koo Jae Hyun et Hwang Bo Tong.
À travers ces trois profils, le spectateur pourra découvrir la pression qui pèse sur ces jeunes lycéens et de quels moyens ils disposent pour réussir, comme l’accès à des cours privés (hagwon) ou à des manuels scolaires, favorisant ainsi les enfants issus des milieux aisés.
Le système scolaire coréen, basé sur la compétitivité, valorise les meilleurs au détriment des autres. Dans le scénario, les départements proposent un club pour les meilleurs élèves, alors qu’ils bénéficient déjà de cours privés. Car il n’y a pas que les élèves qui doivent s’améliorer, l’école aussi doit faire ses preuves parmi les autres, et tout cela se fait toujours au détriment des plus faibles.
Si le système éducatif sud-coréen est l’un des plus performants au monde, il encourage cependant la rivalité et l’individualité au détriment du bien-être de beaucoup d’élèves. Black Dog, en nous montrant les coulisses du système, nous aide à mieux comprendre ses incohérences et ses conséquences. Une critique qu’on pourra retrouver dans de nombreux dramas dédiés aux métiers, comme Misaeng mais également dans des dramas centrés sur l’éducation des plus jeunes comme Green Mother’s Club.
Des parents au-delà de l’exigence
On voit très peu les parents dans la série, mais ils sont omniprésents dans la pression qu’ils imposent à l’école. On ne parle pas d’éducation, mais presque d’un service après-vente. Ils souhaitent des résultats, la garantie d’admission en faculté pour leurs enfants et remettent constamment le système en question. Ils n’hésitent pas à vérifier les corrections des examens et se déchainent par téléphone à la moindre incohérence. À ce niveau d’inquiétude, c’est difficile de parler d’implication des parents, ils deviennent presque une menace qui paralyse les enseignants dans leurs fonctions. Pour autant, c’est difficile de leur en vouloir puisqu’ils subissent eux-mêmes la compétitivité encouragée par le système.
Le voyage initiatique de Go Ha Neul
Dans l’ensemble, c’est un voyage initiatique moderne pour l’héroïne Go Ha Neul qui devra faire face aux dérives d’un système scolaire compétitif, trouver sa voie et ses alliés pour se réaliser dans sa vocation d’enseignante.
Réalisation
La distribution de Black Dog
Le personnage principal de Go Ha Neul est incarné par Seo Hyun Jin, et je dois vous avouer que ce fut une véritable surprise pour moi. L’actrice a créé un personnage tellement crédible avec une gestuelle dédiée, des gestes lents, les bras le long du corps, ou encore la manière dont elle remet constamment ses cheveux derrière ses oreilles. Une véritable surprise car je n’ai absolument pas reconnu Seo Hyun Jin alors que je l’avais vu peu de temps avant dans Another Miss Oh. Les avis sont peut-être partagés sur le personnage mais le jeu de l’actrice est réellement bluffant.
À gauche, l’actrice Seo Hyun Jin dans Black Dog, à droite dans Another Miss Oh.
Dans ce rôle, elle donne la réplique à Ra Mi Ran qui incarne Park Sung Soon, surnommée « le centre du lycée », et qu’on ne présente plus après presque 20 ans de carrière et des rôles principaux dans de nombreux films et dramas.
Ce duo féminin fonctionne particulièrement bien, Park Sung Soon, de part son expérience est dure et entreprenante, à l’opposé de la douce Go Ha Neul, trop souvent hésitante. C’est en donnant la priorité aux élèves qu’elles vont trouver un terrain d’entente et former une véritable équipe avec les personnages de Bae Myung Soo, interprété par Lee Chang Hoon qui apportera la touche d’humour nécessaire au bien-être de cette équipe et enfin Do Yeon Woo, incarné par Ha Joon, l’enseignant populaire auprès des élèves.
Black Dog, un drama documentaire
Si Black Dog reste un drama, il semble toutefois avoir été remarquablement documenté. Il est très dense et tente d’aborder toutes les problématiques possibles dans le milieu de l’enseignement.
Au vu des récents événements en Corée du Sud, les failles mises en avant dans le drama en 2019 semblent toujours d’actualité. Dans cet article du mois de juillet, vous pourrez découvrir que le gouvernement sud-coréen tente actuellement de diminuer la dépendance des foyers coréens aux hagwon, les instituts d’enseignement privés, extrêmement coûteux et qui favorisent les inégalités entre les étudiants.
Black Dog est un véritable commentaire social de ce microcosme.