Mon avis sur Trois jours en automne
Page 1 : présentation générale du livre
Page 2 : mon avis et contexte social
Un personnage fantôme de la guerre
Dure et juste, Trois jours en automne est une nouvelle incisive dont le personnage principal et narrateur oscille entre pathétisme et justesse. Comme une cicatrice vivace de la guerre de Corée, la gynécologue dégouline d’une haine sans limite pour tout ce qui s’approche. Nul n’échappe à sa rancœur. Ni les hommes tortionnaires, ni les parents hypocrites, ni le voisinage indifférent ni même les femmes victimes.
Pourtant à l’aube de sa vieillesse, le désir de donner naissance la saisit au point qu’elle ne pense plus qu’à accoucher un enfant vivant. Le personnage, jusque-là rationnel, froid et hautain, s’enveloppe de désespoir et prend une tournure humaniste dont la détresse est universelle. Car le récit raconte bien l’infortune de ces vies que l’arbitraire a happé et qui, au sortir de leur malheur, n’ont reçu que le déni social.
Une critique de la condition féminine dans les années 1980
Il raconte aussi la pratique illégale de l’avortement, où les opérations ont souvent lieu dans des cliniques dont le business se fait sur la détresse sociale. Pour prendre la mesure de la force de cet écrit, il faut savoir que l’avortement est, hormis dans le cas de viol ou si l’enfant à naître présente des risques de maladies génétiques, prohibé en Corée du Sud. Le temps pré-natal étant considéré comme la première année de vie, il est difficile d’imaginer comment l’avortement pourrait être accepté.
Cela n’empêche pourtant pas les femmes d’avorter. La Corée du Sud souffrant du non-renouvellement de sa population, l’avortement qui pouvait être toléré dans les années 1980 est aujourd’hui fermement condamné. Pourtant, les femmes, mais aussi les jeunes couples sont souvent confrontés à ce terrible dilemme : en cas d’enfant à naître, faut-il choisir l’avortement ou l’abandon ? C’est ce qu’illustre la caricature ci-après, parue en 2010 dans le journal indépendant Hankyoreh (한겨레).
Sur le mur :
Cette clinique est illégale. Donc nous ne prenons pas la responsabilité pour la moindre erreur qui pourrait être commise.
Sur l’hôpital :
Les frais médicaux pour l’avortement augmenteront de 3 millions de won (soit environ 2 382 €)
Au sol, un bébé est abandonné devant une maison.
src : Hankyoreh Geurimpan, 6 Mars 2010
Un regard humain posé sur un sujet tabou
Le personnage endosse alors le rôle de cette libératrice sans scrupule qui s’enrichit vainement sur le ventre des femmes perdues. Sans pitié, le récit décrit la réalité sociale et imagine les pensées de ces femmes accoucheuses, ces gynécologues de l’ombre dont le travail et le statut ne pourront jamais (du moins dans le récit) connaître autre chose qu’une reconnaissance teintée de mépris.
Car il faut bien conclure
Trois jours en automne est une nouvelle très courte et tranchante qui ne vous prendra que quelques heures à lire. Ce fut ma première découverte de Pak Wan Seo, et j’avoue en être retournée. Il me semble impératif de se plonger entièrement dans le monde de cette écrivaine qui raconte si bien les réalités de son temps qu’elle en est vénérée en Corée du Sud. Ce livre peut être une bonne entrée en la matière.
Article rédigé par Casado Hélène.