Park Chan Wook fait partie des réalisateurs qui ont permis de faire briller le cinéma sud-coréen sur la scène internationale. Fort de sa renommée, il a d’ailleurs récemment été choisi pour réaliser une série pour la chaîne anglaise BBC.
Dans toute son œuvre, Park Chan Wook a exploré un thème qui le passionne et qui est inhérent à tous ses films : la vengeance. Et bien que tous tournent relativement autour de ce sujet, il y a complètement consacré une trilogie, dont le film sud-coréen le plus connu au monde : Old Boy. Je vous propose aujourd’hui d’explorer cette trilogie qui, pour certains cinéphiles, fait partie des « classiques » du cinéma sud-coréen.
3 – Sympathy for Lady Vengeance
4 – Que retenir de la trilogie « vengeance » de Park Chan Wook ?
Sympathy for Mr Vengeance
3 septembre 2003 (France) – 2 h 09 min
Synopsis : Ryu (Shin Ha Kyun) est un jeune ouvrier sourd et muet. Sa sœur gravement malade survit dans l’attente d’un rein. Park Dong Jin (Song Kang Ho), son patron, divorcé, est le père d’une petite fille.
Ryu perd un jour son emploi, ce qui amenuise considérablement ses chances de voir sa sœur opérée. Young Mi (Bae Doona), sa petite amie, activiste d’extrême-gauche, décide d’organiser l’enlèvement de la fille de Park Dong Jin, la rançon obtenue permettrait de payer l’intervention de sa sœur et donc de lui sauver la vie… Mais le plan va très vite tourner au cauchemar.
Sympathy for Mr Vengeance est le premier volet de la trilogie, et il est terriblement malaisant ! Tout d’abord parce que la vengeance n’arrive jamais tout de suite. Même si vous avez lu le synopsis et que vous savez qui va chercher à se venger, il y a d’abord la phase qui présente les protagonistes, leur quotidien, les difficultés auxquelles ils font face dans leur vie, etc. Puis survient la situation qui est injuste à leurs yeux. Jusqu’ici, Park Chan Wook use de multiples plans et détails pour provoquer de la compassion et de l’empathie chez le spectateur : les lumières sont douces, les personnages plutôt attachants, ils ont des idéaux justes et il est aisé de s’identifier à eux…
Une fois le processus de vengeance enclenché, l’esthétique du film se modifie légèrement : les couleurs sont plus franches, plus éclatantes et la violence monte crescendo. Au-delà de la cruauté et du glauque, la seconde partie du film comporte très peu de dialogues car Ryu est sourd et muet et que sa perspective du monde est davantage mise en avant. La seconde partie se concentre aussi sur la vengeance de Park Dong Jin qui abandonne tout ce qui, jusqu’ici, constituait sa vie pour se consacrer à sa vendetta.
Park Chan Wook déstabilise le spectateur en induisant une compassion pour tous les personnages principaux, il est donc difficile de prendre clairement parti pour l’un ou pour l’autre et beaucoup peuvent trouver ce désir de vengeance légitime. Mais dans Sympathy for Mr Vengeance, même si certaines scènes sont très violentes et sanglantes, c’est cette zone de flottement qui est malaisante. C’est un peu comme si le réalisateur lui-même ne savait pas de quel côté se ranger.
Old Boy
29 septembre 2004 (France) – 2 h
Synopsis : Oh Dae Su (Choi Min Sik), fonctionnaire et père de famille lambda, est enlevé et séquestré dans un minuscule appartement… Par qui ? Pourquoi ? Il n’en sait rien. Durant sa détention, sa seule fenêtre sur l’extérieur est un téléviseur qui lui annonce l’assassinat de sa femme dont il est lui-même accusé. Quinze ans plus tard, il est libéré. Désormais déshumanisé et presque sauvage, il n’a plus qu’un objectif : trouver celui qui lui a fait vivre ce calvaire et le lui faire payer !
Ai-je encore besoin de vous présenter ce chef-d’œuvre ? Fondé sur un manga de Nobuaki Minegishi et Garon Tsuchiya, inspiré du Comte de Monte-Cristo, gagnant du Grand Prix du Festival de Cannes en 2004, ce film est d’une esthétique irréprochable même dans les scènes les plus violentes et les plus sanglantes. C’est également un des films où le mélange des genres est si poussé et si violent.
Amateurs de cinéma sud-coréen, vous aurez sans doute remarqué que souvent, même dans les thrillers, il y a des petites touches de comédie. Ces instants sont précieux car ils permettent aux spectateurs de relâcher la tension instaurée par le film, de rire un coup et de se re-concentrer sur la suite de l’intrigue. Dans Old Boy, Park Chan Wook utilise parfaitement ce procédé à l’extrême, ce qui permet d’un côté de dynamiser le film, mais ce qui crée également une confusion chez le spectateur qui ne sait plus quoi ressentir, passe du rire aux larmes ou à l’horreur et est encore plus bouleversé.
Dans ce deuxième volet, les personnages sont encore plus travaillés pour éveiller l’attachement et la compassion et pour que leurs actions puissent être justifiées dans l’esprit du spectateur. La violence et la gêne sont un cran au-dessus de Sympathy for Mr Vengeance et une fois encore vous ne ressortirez pas indemnes du visionnage de ce film. Néanmoins, malgré (ou à cause de) sa popularité, ce n’est pas mon préféré de la trilogie, mais tout est une question de sensibilité.
Sympathy for Lady Vengeance
16 novembre 2005 (France) – 1 h 55 min
Synopsis : Lee Geum Ja (Lee Young Ae) est une belle jeune fille sans histoire. Elle est soudainement accusée de l’enlèvement et du meurtre d’un petit garçon. Les médias se saisissent de ce crime atroce. Geum Ja passe étrangement très vite aux aveux et est condamnée à une longue peine de prison : 13 années durant lesquelles elle va méticuleusement préparer sa vengeance contre M. Baek (Choi Min Sik), un instituteur en école maternelle louche.
Sympathy for Lady Vengeance est le dernier volet de la trilogie « vengeance » de Park Chan Wook, le plus modéré et (ceci explique cela) mon préféré.
Après s’être intéressé aux hommes dans les précédents volets, c’est ici une femme qui est l’héroïne, et dont la quête de revanche est la plus longue. Il est vrai que la violence est bien moins présente que dans les deux films précédents, mais elle n’en est pas pour autant absente. L’ambiguïté sur les actes des protagonistes est également plus mesurée. Même si l’héroïne n’est pas totalement innocente, la cible de sa vengeance est cette fois tout à fait indéfendable.
Cependant, l’esthétique de Sympathy for Lady Vengeance est encore tellement travaillée que chaque scène constitue un tableau splendide, notamment celles dans la neige. Les touches comiques sont elles aussi moins présentes, le réalisateur a préféré ajouter des touches dramatiques, mais elles permettent d’autant plus de s’imprégner des motivations de Lee Geum Ja.
Le troisième volet est aussi celui où Park Chan Wook est le plus clément avec le protagoniste en quête de vengeance. Bien que douloureuses, les conséquences de cette revanche ne sont pas à la hauteur de celles de Sympathy for Mr Vengeance ou Old Boy.
Ce film n’en reste pas moins une grande réalisation qui a permis de toucher un public plus large grâce à sa modération. Cette violence sous-jacente, plus retenue et moins extrême est ce qui, pour moi, confère à Sympathy for Lady Vengeance une force supérieure et permet de conclure cette trilogie en beauté.
Que retenir de la trilogie « vengeance » de Park Chan Wook ?
Dans chacun de ses films, Park Chan Wook met en scène des personnages qui pensent pouvoir trouver la paix dans l’accomplissement de leur revanche mais qui finiront par se perdre et/ou semer le chaos autour d’eux. Le réalisateur essaye de ne pas prendre parti et de rester objectif : bien qu’il explore le quotidien des personnages et cherche à provoquer de la compassion, il dénonce également la tristesse et la mort qui accompagnent la quête de vengeance. Dans cette trilogie, il explore la question suivante : se faire justice soi-même permet-il le salut, la délivrance ? Et, même si la réponse qu’il donne dans chaque film peut être sujette à différentes interprétations, il indique à chaque fois que la quête de vengeance induit une perte ; que ce soit celle de son innocence, une partie de soi (au sens propre comme au sens figuré) ou même des membres de son entourage.
Bien que la revanche soit un thème récurrent dans tous les films de Park Chan Wook, cette trilogie est celle qui l’explore le plus profondément. En effet, dans chacun de ces trois films, la vendetta de l’un des protagonistes se heurte ou concorde avec celle d’un autre personnage. Les représailles sont multiples et mettent bien en avant le fait qu’une quête de vengeance implique plus d’individus que ce qui était prévu initialement et que les répercussions peuvent être fatales.
De mon point de vue personnel, bien que la vengeance semble fasciner Park Chan Wook, cette trilogie démontre l’entreprise vaine et dangereuse que cette quête représente.
Sources : AsianWiki | Han Cinema | Celluloïdz
Article rédigé par Laulilau.
Passionnant ! Ca m’aide beaucoup pour un dossier, merci ^^
On ne mange plus jamais de raviolis de la même façon après cette trilogie… XD
J’aime beaucoup ce réalisateur et également cette trilogie… C’est vrai que la vengeance est un thème qui lui est visiblement cher, et qu’il maitrise avec brio.