Road to Boston vous propose de retracer le parcours de l’athlète coréen Suh Yun Bok lors du célèbre marathon de Boston en 1947.
Road to Boston : une course pour l’éternité
Synopsis
En 1947 se tient le célèbre marathon de Boston pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale deux ans plus tôt. Parmi les concurrents, Suh Yun Bok, jeune coureur coréen de 24 ans, représente la République de Corée, une première depuis la libération du pays du colonialisme japonais en 1945. Entraîné par Sohn Kee Chung, champion olympique en 1936 de la discipline, il n’est pas seulement question d’une course mais de fierté nationale et de revanche sur le passé.




Distribution de Road to Boston
Dans l’un des rôles principaux de ce film tiré de faits réels, nous retrouvons Im Si Wan (Summer Strike), qui prête ses traits à Suh Yun Bok. Né en 1923 dans une Corée en pleine colonisation japonaise, Suh se spécialise dans la course de fond pour en arriver à représenter la Corée libre en 1947 lors du marathon. Lors d’une interview au mois d’août, l’acteur a déclaré s’être préparé comme un athlète de haut niveau pour le rôle et s’est découvert une véritable passion pour la course à pied dont il parle souvent sur ses réseaux sociaux depuis.
Face à lui, dans l’autre rôle principal de Road to Boston, Ha Jung Woo (Narco-Saints) tient le rôle de Sohn Kee Chung. Né en 1912, peu de temps après l’annexion officielle de la Corée par le Japon avec le traité de 1910, Sohn grandit dans ce qui est aujourd’hui la Corée du Nord, et commence la course à pied. Ce n’est qu’en 1933, à l’âge de 21 ans, qu’il se spécialise dans la course de fond : il concourra dans pas moins de treize marathons, en gagnant dix, et finissant sur le podium pour les trois autres. Son palmarès inclut, entre autres, le record du monde de la discipline lors du marathon de Tokyo en 1935 et sa médaille d’or lors des Jeux olympiques de 1936 à Berlin. Après avoir mis un terme à sa carrière, il devient l’entraîneur de l’équipe nationale coréenne et prépare ainsi Suh Yun Bok pour le marathon de Boston.

Nous pourrons également voir Bae Sung Woo (Female Tazza) dans le rôle de Nam Sung Yong, coéquipier de Sohn Kee Chung et médaillé de bronze aux jeux olympiques de 1936, qui travaille désormais à l’association sportive coréenne avec son ancien coéquipier.
Le reste du casting comprend plusieurs acteurs bien connus des fans de cinéma coréen dont Park Ki Ryoong (One the Woman), Kim Sang Ho (Not Others) ou Park Eun Bin (Extraordinary Attorney Woo) pour une apparition spéciale.
Pour mieux comprendre
Vous me connaissez, maintenant. Si un film coréen aborde une partie de l’histoire du pays, j’aime vous en parler et faire le point sur les portées historiques de l’œuvre, comme j’ai pu le faire avec le film musical Hero (2022) par exemple. Road to Boston n’échappe donc pas à la règle, d’autant que les points que je vais aborder ont encore fait l’objet de plusieurs articles lors des derniers Jeux olympiques d’été à Tokyo.
Si je ne parlerai pas plus de Suh Yun Bok afin de vous laisser découvrir son parcours dans le film, j’aimerais m’attarder sur Sohn Kee Chung et, dans une moindre mesure, Nam Sung Yong.
Sohn Kee Chung (également écrit Son Ki Jeong selon le système de romanisation utilisé) était un athlète sud-coréen spécialisé dans la course de fond et, plus particulièrement, les marathons. En Corée du Sud, il est considéré comme une figure héroïque et à jamais comme le premier coréen à remporter un titre olympique en marathon. Sauf que l’histoire n’est pas aussi simple.
En 1936, la Corée est toujours sous contrôle japonais, depuis déjà vingt-six ans officiellement, et n’est donc pas considérée comme une nation indépendante. La seule opportunité de Sohn pour participer aux Jeux de Berlin et mettre en lumière la situation de son pays est de faire partie de l’équipe olympique japonaise. Lui et son coéquipier, Nam Sung Yong, passent donc les tests de sélection olympique, battant leurs concurrents japonais avec aisance. Insatisfaits des résultats, l’équipe japonaise décide de rejouer la course dans l’espoir que les coureurs japonais battent leurs homologues coréens : Sohn et Nam les battent avec encore plus d’avance. Si on les force à arborer le drapeau japonais sur leur maillot et à être inscrits sous des noms japonais (respectivement Son Kitei et Nan Shoryu), il ne fait aucun doute qu’à leurs yeux, ils courent pour la Corée.
Au terme d’une course qui verra le favori de l’époque, l’argentin Juan Carlos Zabala, céder à mi-parcours, Sohn Kee Chung finira seul en tête, suivi de l’anglais Ernest Harper et, en troisième position, après s’être défait des coureurs finlandais, Nam Sung Yong. Sohn s’offre même le luxe d’établir un record olympique en terminant le marathon en deux heures vingt-neuf minutes et dix-neuf secondes. Il détenait déjà le record du monde en deux heures et vingt-six minutes suite au marathon de Tokyo en 1935.


À gauche : Sohn Kee Chung, avec le numéro 27, et Nam Sung Yong, avec le numéro 26, sur le podium aux Jeux Olympiques de 1936 à Berlin.
À droite : le Donga Ilbo efface délibérément le drapeau japonais du maillot de Sohn pour sa une « La Corée en fête à Berlin »
Tout comme aux Jeux olympiques de 1968 où l’un des podiums d’athlétisme (l’épreuve du 200 m) fut le théâtre d’une protestation contre le racisme aux États-Unis par les athlètes Tommie Smith et John Carlos avec leur célèbre poing levé du Black Power, le podium de l’épreuve de marathon des jeux de 1936 est tout aussi marquant. Alors que l’hymne japonais résonne dans l’arène et que le drapeau impérialiste s’élève, les deux athlètes coréens gardent la tête baissée, refusant de se reconnaître dans les symboles de l’oppression de leur pays. Sohn utilise même la plante remise au vainqueur pour cacher le drapeau japonais sur son maillot tandis que Nam Sung Yong garde les poings serrés tout du long.
Devant la presse, Sohn Kee Chung insiste qu’il est coréen mais le Japon se rend très vite compte de ses intentions : son discours de vainqueur (dont un enregistrement est disponible ici) est pré-écrit par les officiels japonais, lu sous la contrainte, et Sohn est forcé de mettre un terme à sa carrière, désormais sous haute surveillance. En Corée, tout signe de ferveur envers Sohn (comme la une du journal Donga Ilbo désignant les deux athlètes comme étant coréens et montrant Sohn et Nam avec le drapeau japonais effacé de leur maillot) est très vite réprimé. Ce n’est qu’à la libération de son pays qu’il revient à la course à pied en tant qu’entraîneur, souhaitant plus que tout former des coureurs qui pourront réussir là où il a échoué : représenter la Corée et la faire gagner.

De gauche à droite : Sohn Kee Chung, Suh Yun Bok et Nam Sung Yong avant le marathon de Boston en 1947
Malgré les nombreuses tentatives de Sohn et Nam pour être enfin reconnus comme athlètes coréens avec leur véritable nom dans les registres olympiques, ils sont, encore aujourd’hui, malheureusement inscrits sous leurs noms japonais et comme représentant le Japon dans toutes les archives des Jeux (voir ici et ici). Pire encore, Sohn Kee Chung, décédé en 2002, fut même utilisé en 2021 par le comité d’organisation japonais des Jeux de Tokyo lors d’une exposition promouvant les anciens médaillés d’or japonais au musée olympique de Tokyo.
Avec un tel contexte, il est dès lors beaucoup plus facile de comprendre tous les enjeux sportifs, historiques et politiques, de la participation de Suh Yun Bok au marathon de Boston en 1947 comme athlète coréen, d’une nation libre et indépendante.

Reconnaissance : à 76 ans, Sohn Kee Chung est parmi les derniers relayeurs de la flamme olympique lors de l’ouverture des Jeux olympiques de Séoul en 1988
Affiches et bandes-annonces
- Affiches

La toute première affiche, présentée à l’annonce du film, représente sobrement le titre coréen (1947, Boston) et international (Road to Boston) du film sur un fond effet marbre tandis qu’en surimpression se lit le mot KOREA et se devine le drapeau coréen comme ils peuvent être représentés sur des trophées ou des plaques commémoratives sportives. L’emphase ici n’est pas tant sur les personnages mais sur ce que leurs efforts représentent pour le pays : on en revient aux enjeux sportifs et politiques évoqués plus tôt.

Sur la deuxième affiche on peut voir les trois coureurs coréens du marathon de Boston en pleine course, légèrement inclinés comme s’ils étaient en pleine ascension : là encore montrant le long chemin semé d’embuches de l’histoire de la course de fond coréenne et la voie que prennent ces coureurs en représentant leur pays pour la première fois lors de cette compétition historique.

Enfin, la dernière affiche, plus classique, représente Im Si Wan dans le rôle de Suh Yun Bok, arborant fièrement le nom et le drapeau de son pays sur son maillot, tandis qu’Ha Jung Woo, en tant que Sohn Kee Chung, le regarde avec impatience dans l’attente de son résultat, plaçant tous ses espoirs, et ceux des Coréens, en lui.
- Bande-annonce
La bande-annonce du film, dévoilée récemment, fait la part belle aux contrastes, entre la carrière de Sohn Kee Chung et l’amertume qui en résulte, et les espoirs que représente Suh Yun Bok avec sa fougue, sa jeunesse et son inexorable envie de courir. Le tout sur une musique pleine de violons et autres cordes allant crescendo pour faire monter l’attente chez les spectateurs, au même titre que ces athlètes ont nourris nombre d’espoirs chez les Coréens.
Diffusion de Road to Boston
Réalisé par Kang Je Gyu, à qui l’on doit notamment Shiri (1999), Taegukgi (2004) ou encore Take Off (2008), qui s’attardent tous, de près ou de loin, à l’histoire coréenne récente, Road to Boston sort le 27 septembre prochain en Corée du Sud à l’occasion des célébrations de Chuseok. Si pour l’heure aucune sortie internationale n’est prévue, il n’est pas impossible de voir le film apparaître dans des festivals, alors pour ceux qui souhaitent le voir, gardons espoir !
Sources : Han Cinema | Yonhap News | Britannica | The New York Times | The Guardian | Korea American Story | The JoongAng Daily | Sports Illustrated | The Dong-A Ilbo | Olympics (1) (2) | HearKoreaTV