Aujourd’hui, je vais vous parler de Cart, un film qui m’a bouleversé tant par le jeu d’acteur, son histoire ou sa bande-son. Dans ce film, on peut notamment retrouver Do Kyung Soo (D.O des EXO), au côté de Yeom Jung Ah ou encore Moon Jung Hee.
Mais plus que d’être un très bon film (selon mon humble avis), je trouvais intéressant de vous présenter Cart car il est inspiré de fait réel et a participé au re-lancement du film militant dans le paysage du cinéma coréen.
Je ne vais pas vous mentir, la première fois que je me suis dirigée vers ce film, c’était principalement pour la présence au casting de Do Kyung Soo, membre du groupe EXO. Le résumé m’avait aussi l’air attrayant mais je n’avais pas du tout pris en compte le casting incroyable qui accompagnait l’acteur/idol. De plus, le film a eu un impact beaucoup plus important que prévu et je dois admettre que certaines larmes m’ont échappée…
Cart, synopsis du film
Seon Hee est mère de deux enfants, Tae Young, un adolescent, et une fille plus jeune. Elle tente d’ailleurs de les élever seule, son mari étant régulièrement en déplacement professionnel. Seon Hee travaille sous contrat temporaire pour un grand magasin discount depuis cinq ans. On lui promet à plusieurs reprises qu’elle sera un jour promue à un poste à temps plein, ce qui est le cas pour de nombreux autres travailleurs à temps partiel.
Hye Mi est une mère célibataire qui occupe le même poste que Seon Hee, bien que son attitude soit complètement différente de celle-ci. Elle refuse d’ailleurs, systématiquement, de faire des heures supplémentaires parce qu’elle doit s’occuper de son fils.
Sun Rye est une femme de ménage âgée qui travaille dans le même magasin. Elle aussi, est dans l’attente d’un contrat à temps plein.
Mi Jin, quant à elle, est une diplômée de l’université qui s’est retrouvée dans le même secteur d’activité.
Malgré leurs situations différentes, toutes ces travailleuses contractuelles apprennent un jour qu’elles vont être licenciées, malgré les promesses qui leur avaient été faites. En effet, les responsables ont décidé qu’il était plus logique, d’un point de vue financier, de sous-traiter ce type d’emploi. Seon Hee se dresse alors contre l’entreprise pour prouver qu’elle a été victime d’un licenciement abusif.



Cart ou le renouveau du film militant
Les années 2010 signent la réapparition de films sociaux dans le paysage du cinéma coréen avec les films Ari Ari, The Korean Cinema (2011), National Security (2012) ou encore Unbowed (2011). Mais en 2014, dans la lignée des films sociaux tels que Haemoo ou The Whistleblower, la société de production Myung Films, fait le pas vers le film militant avec leur dernière sortie en date, Cart.



Il ne s’agit plus de simplement présenter une affaire de société, mais de prendre parti. Au travers de Cart, Boo Ji Young, scénariste du film, nous montre le quotidien de ces caissières, de leurs difficultés, mais aussi de l’injustice qu’elles subissent. Mais plutôt que de s’arrêter sur ce constat, l’histoire va plus loin en nous dévoilant la lutte et la grève depuis son intérieur dans les moindres détails. Ce film est un appel à la révolte général.

L’origine de Cart ou le licenciement des caissières de Homever
Pour vous permettre de mieux comprendre le contexte du film et l’aspect militantisme de celui-ci, voici un petit rappel des faits et des acteurs de cette grève qui ont inspirés le scénario de Cart.
L’entreprise Homever
Homever (홈에버) était le nom de marque d’un hypermarché qui fait partie du groupe E-Land. Il s’agit du plus grand opérateur spécialisé dans la mode et la vente au détail, la production et les sociétés de vente au détail en Corée.
En 2008, les magasins Homever ont été racheté par le groupe Tesco. C’est d’ailleurs peu de temps avant que la grève qui nous intéresse prenne place.
L’origine de la grève des caissières de Homever
Le 1 juillet 2007, une loi entre en vigueur en Corée du Sud : il s’agit de la loi sur la protection des travailleurs non-réguliers. Une fois la loi appliquée, les entreprises sont tenues de traiter leurs employés non-réguliers sur un pied d’égalité avec leurs travailleurs réguliers. Elles se doivent d’accorder le statut de travailleur permanent aux salariés à temps partiel qui ont occupés le même emploi pendant plus de deux ans.
Pour éviter ces contrats de type CDI, certaines entreprises remplacent leurs employés non-réguliers ou travailleurs temporaires par des contractants à court terme. Les entreprises peuvent ainsi continuer leurs contrats non-réguliers sans prendre le risque de devoir un statut régulier à ces salariés faisant désormais partie d’agence « d’intérim ». L’entreprise n’est donc plus l’employeur direct.
Ce simple fait permet une économie pour l’entreprise à long et à court terme, avec une économie significative sur les salaires de part l’externalisation de l’emploi.
Peu de temps avant l’entrée en vigueur de la loi, E-Land licencie environ 790 travailleurs à temps partiel, qui étaient pour la plupart des caissières des hypermarchés Homever. Ainsi, pour protester contre ces licenciements, le syndicat de E-Land démarre une grève qui durera environ 434 jours.
Cette grève impactera différents protagonistes : les caissières licenciées et le syndicat qui militent, les dirigeants d’Homever qui essaye d’enrayer le mouvement, la police qui fait notamment plusieurs interventions musclées ainsi que le gouvernement qui reste plutôt passif face à ce mouvement social et qui malgré plusieurs sollicitation, n’interviendra pas..
Au final, sur les 790 licenciés, seulement 36 travailleurs temporaires sont réembauchés sur une base contractuelle. C’est donc sur ce fond d’injustice social, que le scénario de Boo Ji young prend place.



La représentation cinématographique de ce fait de société
Pour nous plonger dans le film avant le visionnage, chacun des personnages possèdent son affiche. Elles permettent de présenter rapidement le casting mais aussi les rôles qu’ils vont interpréter. De plus, cela favorise l’aspect militantisme et politique du film car les affiches ressemblent à des affiches de campagnes politiques.
Sur l’ensemble des posters, nous retrouvons ce qui pourrait s’apparenter au slogan d’un mouvement politique : Aujourd’hui, j’ai été licenciée. Puis, nous avons droit à une brève présentation du candidat, ainsi qu’une description de son identité et de sa situation. Cela permet notamment de renforcer le sentiment de lien entre le spectateur et le personnage.
Les héros sont des personnes lambdas dans des situations identifiables et similaires aux nôtres.







Cart s’inspire donc de la grève d’Homever comme trame pour son histoire. On y retrouve les étapes importantes comme le licenciement, les première grèves avec notamment l’occupation du magasin, les discussions avec les dirigeants, l’arrestation de certains leader du mouvement et enfin, le démantèlement par la police.
Le film montre de manière réaliste la pénibilité de cet emploi qui est bien souvent celui de femme tandis que les fonctions de cadre et de dirigeant sont remplis par des hommes. On peut les voir porter avec difficulté des charges lourdes, rester debout pendant des heures derrière leurs caisses, faire des heures supplémentaires sans rémunération additionnelle sur « demande » insistante des dirigeants avec comme promesse, un contrat d’emplois réguliers. On peut aussi les voir courber l’échine devant des clients impolis car « le client est roi » et l’image de la marque ne doit pas être entachée.
Lors de la scène des licenciements, on s’aperçoit bien de la précarité de leurs emplois : un SMS suffit pour qu’elles ne se retrouvent sans rien. La grève apparait donc comme leur seul moyen de résistance.

Malgré un scénario dramatique, Boo Ji Young prend soin de glisser quelques scènes humoristiques et divertissantes. Cela nous rend notamment plus proches des personnages et on en vient à avoir de la sympathie envers les protagonistes du film. Une fois le sentiment de sympathie installé, celui de l’injustice et de la révolte nous envahit surtout avec cette scène final soutenu par la bande son « Ending » (basé sur la même mélodie que celle chantée par D.O, « Crying out ») qui, par l’utilisation d’un orchestre, renforce les émotions et l’aspect épique du final.
En ce qui concerne celui-ci, il se veut réaliste. Il illustre bien la valeur de la « résistance », mais nous montre également que les victoires totales sont très rares, ce qui reste totalement dans la lignée du fait social dont le film est inspiré.

Le film est très largement soutenu par ses actrices qui nous livre de belles performances ; le charisme de certaines remplissent véritablement l’écran. D’autant plus que le scénario leur permet d’approfondir leurs jeux avec une évolution constante des personnages. De plus, la cinématographie de Kim Woo Hyung capture avec réalisme le cadre de l’histoire et nous permet une immersion totale.

Pour terminer, j’espère que cet article vous aura donné envie de découvrir ou de redécouvrir le film Cart et de vous lancer peut-être, dans des films un peu plus engagés. Vous pouvez retrouver d’ailleurs un autre article K.OWLS sur un autre film engagé : A Taxi Driver, qui traite notamment du soulèvement de Gwangju.
Sources : Kofic | Myung Film Lab | Asian Movie Pulse | Hankyoreh (1).(2).(3).(4) | The Korea Times | The Chosunilbo | Dictionnaire du cinéma coréen