Le 5 février, la populaire streameuse BJ Jammi, victime de cyber-intimidations et cible de rumeurs depuis plusieurs années, est décédée.
Suivie par plus de 26 000 personnes, BJ Jammi, ou Jammi, de son vrai nom Cho Jang Mi, avait débuté sa carrière de streameuse (activité qui consiste à diffuser des contenus en ligne, en direct ou en différé, face à une audience) en mars 2019. Sur les plateformes Twitch et YouTube, ses contenus oscillaient entre sessions de jeux, cosplays (incarnation et déguisement en personnages de fiction), chant, danse et dégustations.
Pourtant, depuis trois ans, la gameuse subissait du cyber-harcèlement. Elle luttait contre une sévère dépression causée par des internautes malveillants, a déclaré son oncle. Le 5 février, c’est lui qui confirme les soupçons des abonnés et annonce sur la chaîne de Jammi son décès.
En mai 2020, les internautes malveillants avaient déjà poussé au suicide la mère de la streameuse. Elle gérait les commentaires sur les deux plateformes et fini par mettre fin à ses jours suite au harcèlement de sa fille.
Accusée à tort de misandrie, Jammi sombre

En 2019, une vidéo montre BJ Jammi faisant un « C » de la main, dès lors c’est la descente aux enfers. Signe associé au groupe des féministes radicales pour se moquer de la taille des parties génitales masculines, les masculinistes sud-coréens se déchaînent sur la streameuse. Une vague de harcèlement moral et sexuel, principalement de la part d’hommes antiféministes, s’abat sur la jeune femme. Les rumeurs, qui l’associent à l’image d’une misandre ou encore d’une « féminazie », se multiplient à chacune de ses apparitions sur la toile. Jammi se défend, en vain, en affirmant qu’elle ne faisait que reproduire un meme populaire circulant sur les réseaux sociaux. Elle publie plusieurs vidéos pour s’excuser et supplier les internautes de cesser de s’en prendre à sa famille, avant de cesser toute activité le 21 janvier 2021.
Les questions du féminisme et de l’antiféminisme en Corée du Sud ne sont pas nouvelles. La « chasse aux sorcières » ne cesse d’alimenter les réseaux sociaux sud-coréens. Avant Cho Jang-mi, Irene du groupe Red Velvet avait été la cible des antiféministes. Récemment l’athlète An San, triplement médaillée d’or en tir à l’arc aux Jeux olympiques de Tokyo, avait été harcelée et avait reçu des menaces de mort de la part d’hommes qui la jugeaient comme « trop féministe » à cause de ses cheveux courts.
Depuis les élections, les assauts des antiféministes contre les femmes sud-coréennes ont augmenté en flèche. En effet, certains partis comme le Parti démocrate (PPP) profitent de ce climat pour alimenter et encourager la diabolisation du féminisme afin de gagner des électeurs. (Pour en savoir plus voir le précédent article sur la suppression du Ministère de l’égalité des sexes)
Le deuxième cas de suicide en quelques jours

En l’espace de quatre ans, d’après le Korea Bizwire, le taux de suicide des jeunes dans la vingtaine a augmenté de 32 %.
Kim In Hyeok avait, comme Cho Jang Mi, 27 ans lorsqu’il s’est suicidé le vendredi 4 février. Joueur de volleyball professionnel chez les Daejeon Samsung Fire Bluefangs, il a été retrouvé mort à son domicile. Depuis plus d’un an, ses réseaux sociaux étaient envahis de messages malveillants et haineux. Les internautes se moquaient de son apparence et de son attitude jugée trop féminine.
De nombreuses rumeurs sur sa supposée homosexualité, sur son utilisation de maquillage ou encore de sa pseudo-transidentité couraient depuis plusieurs mois sur la toile. Le jeune sportif s’était défendu à maintes reprises sur ses réseaux et avait évoqué son mal-être et sa dépression face à ce harcèlement. Il aurait aussi évoqué qu’une vidéo pornographique de lui circulait sur internet.
« I thought I had better ignore decade-long misunderstandings around me, but I am tired of it. Please stop. The malicious comments have harassed me for years ― I can’t stand it anymore. »
Ce message publié en août 2021 par le sportif pourrait être traduit ainsi : « Je pensais que je pouvais mieux ignorer les malentendus qui durent depuis une décennie sur moi, mais j’en ai assez. S’il vous plaît, arrêtez. Ces commentaires malveillants me harcèlent depuis des années, je n’en peux plus ».
Depuis la disparition des deux personnalités, une pétition circule (signée par plus de 140 000 personnes) et les internautes se mobilisent pour demander à la police et à la justice d’intervenir face au cyber-harcèlement et de punir les harceleurs.
sources : Yonhap | The Korea Times | Korean Herald | Korea Bizwire
sources images : Instagram de bluefangsvc | Inven