Selon un sondage effectué le 15 juillet 2021, 48 % des adultes sud-coréens seraient favorables à l’abolition du ministère de l’Égalité des sexes et de la Famille voulue par le parti Pouvoir au Peuple. Plus précisément, 61 % des hommes et 35 % des femmes seraient en accord avec la proposition du parti de l’opposition, tandis que 51 % des femmes et 32 % des hommes voudraient maintenir le ministère en place. Mais que se passe-t-il exactement ?
Le ministère de l’Égalité des sexes victime de polémiques
Le ministère de l’Égalité des sexes et de la Famille (여성 가족부, soit littéralement le « ministère des Femmes et de la Famille ») a été créé en 2001 par le président Kim Dae Jun, afin de mettre fin aux violences contre les femmes et améliorer la condition des femmes en Corée du Sud. Depuis, le ministère a été critiqué pour avoir souvent manqué à ses objectifs, avoir fait des déclarations controversées et avoir répondu avec passivité aux accusations de harcèlement sexuel contre certaines personnalités politiques.
L’ancien ministre de l’Égalité des sexes Lee Jung Ok a par exemple été réprimandé pour avoir expliqué que les crimes sexuels commis par l’ancien maire de Busan étaient l’occasion de sensibiliser à la question du sexe. La ministre actuelle est quant à elle accusée de ne pas avoir les compétences requises pour protéger les droits des femmes.
Une suppression du ministère de l’Égalité des sexes exigée par l’opposition politique
Le 7 juillet, Lee Jun Seok, président du parti conservateur Pouvoir au Peuple (PPP), a annoncé vouloir mettre fin au ministère de l’Égalité des sexes et de la Famille, car celui-ci ne faisait que « mener des campagnes et aggraver les conflits liés au sexe ». Il a également insinué qu’il n’existait en réalité aucune discrimination liée au sexe en Corée du Sud.
L’ancien avocat Yoo Seung Min, potentiel candidat du PPP aux prochaines élections présidentielles, a quant à lui critiqué sur les réseaux sociaux l‘existence du ministère et a proposé la mise en place d’un comité pour une meilleure coordination entre les ministères sur la politique de l’égalité des sexes. Selon lui, si tous les ministères s’occupent des problématiques des femmes, il n’y a aucune raison qu’un ministère leur soit entièrement dédié.
Contre toute attente, la première réponse à ces propos n’est pas venue du gouvernement sud-coréen, mais d’un site de propagande nord-coréen. Ce dernier a dénoncé les propos de Lee comme « révélateurs de l’état d’esprit archaïque des politiciens sud-coréens ». Le 14 juillet 2021, la ministre de l’Égalité des sexes et de la Famille Chung Young Ai a répondu à la polémique, en déclarant que le ministère avait encore beaucoup de travail à accomplir avant de mettre fin aux discriminations liées au sexe et aux violences contre les minorités.

Qu’en pensent les Coréennes, les premières concernées ?
Les propos de l’opposition n’ont pas laissé les Coréennes indifférentes. Des groupes civiques ont rapidement dénoncé le fait que Yoo Seung Min tente d’attirer l’électorat masculin, qui s’oppose de plus en plus frontalement au féminisme. En effet, l’académicien britanno-américain Scott Shepherd explique pour The Korea Times que les jeunes Coréens se sentent victimisés par le féminisme et que les politiciens utiliseraient cette colère à leur avantage au lieu de régler les véritables problèmes de la société sud-coréenne.
L’organisation non-gouvernementale Solidarité Politique des Femmes Coréennes a également critiqué la proposition selon laquelle les autres ministères devraient gérer la question de l’égalité des sexes, alors que le ministère de la Défense a récemment couvert des crimes sexuels commis par des militaires.
Par conséquent, l’organisation a manifesté le 9 juillet 2021 aux côtés de deux autres groupes luttant pour les droits des femmes, à savoir le Centre Coréen de Réponse à la Cyber-Violence Sexuelle et le Réseau des Femmes Politiques. Shin Ji Yeah, la présidente de cette dernière organisation, en a profité pour déclarer qu’alors que le taux de crimes violents diminuait en Corée du Sud, celui des crimes sexuels ne faisait que grimper depuis dix ans. Selon elle, les Coréennes ont plus besoin que jamais de l’assistance du ministère de l’Égalité des sexes.

Pour conclure
Même si on remarque une amélioration de la condition féminine en Corée du Sud avec l’acceptation du droit des femmes à disposer de leur corps, les inégalités persistent dans les mentalités et le féminisme n’est pas perçu positivement par tous les Coréens depuis l’arrivée du mouvement #MeToo dans la péninsule.
D’un côté, on peut se demander si la question du sexe peut effectivement être directement abordée au sein des problématiques des autres ministères, comme le propose le PPP. Mais on peut également penser que la minimisation de l’importance de ce ministère est une preuve que l’égalité des sexes n’est pas encore atteinte en Corée du Sud.
Quoi qu’il en soit, il ne faut pas oublier que cette proposition est avant tout politique, et que le ministère de l’Égalité des sexes et de la Famille ne sera pas nécessairement aboli en cas de victoire du PPP, lors des prochaines élections présidentielles.
Sources : Yonhap News Agency (1)(2)(3)(4) | The Korea Times (1)(2) | The Korea Herald