Roman sorti récemment, La Reine d’Itaewon explore une face de la Corée du Sud que l’on a moins l’habitude de voir. À la fois intriguant et très actuel sur les sujets abordés, j’ai été attiré facilement par ce livre. Et ma lecture m’a conforté dans mon choix.
Informations sur l’auteure et le roman
Sandrine Holin est née en 1986. Entre des études en sciences politiques et sciences humaines ainsi qu’un voyage en Corée du Sud en 2019, elle a puisé dans ses différentes expériences pour écrire son premier roman.
On y suit Anna qui quitte sa vie londonienne pour passer quelques temps à l’autre bout du monde, plus précisément à Séoul. Mais lors de son dernier jour, elle est arrêtée pour détention de stupéfiants. En attendant de savoir comment va se finir son interrogatoire et si elle pourra récupérer son passeport, Anna essaie de se souvenir de ce qui l’a amené à cette situation et cette arrestation dans un bar clandestin du quartier d’Itaewon.
Mon avis sur la Reine d’Itaewon
Tout d’abord, ce livre permet de découvrir un peu plus la capitale sud-coréenne à travers les visites et balades qu’entreprend Anna. Pour les personnes qui ont pu y aller, cela ravivera certainement les souvenirs de votre voyage. Pour les autres, il donnera plus d’informations et l’envie de faire sa propre expédition. Sandrine Holin a certainement été très marquée par son voyage à Séoul pour choisir ce lieu comme décor de son roman.
Outre les déambulations d’Anna, la lecture du résumé et le début du livre nous amènent à se poser pas mal de questions autour du personnage principal. Comment Anna a-t-elle fait pour se retrouver dans un commissariat ? Pourquoi se faire passer pour une journaliste écrivant sur un sujet tabou dans un pays dans lequel elle n’a aucun repère ?
Ces questions, on se les pose car Anna semble clairement perdue. Elle non plus n’a aucune idée du pourquoi et du comment. Pourtant, elle semble très au fait de l’actualité, des mouvements progressistes pour lutter contre les inégalités sociales, l’écologie, etc. Que cherche-t-elle réellement ? Aux allures d’un roman noir, c’est aussi un autre type de voyage : celui de se trouver.
« Mais ici c’est différent, ici est une parenthèse d’expérimentations et de lâcher-prise, pas de compte à rendre, même à soi-même. Se laisser exister en dehors de ses propres normes. Pour voir. Ici, je pense que cela n’aura pas de conséquences. »
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Malheureusement pour elle, il y a des conséquences. Au détour d’une conversation, elle dit vouloir écrire un guide des sorties LGBT de Séoul. C’est ce fait qui l’amène à faire de nouvelles rencontres et dévoiler un aspect moins connu de la Corée du Sud. Loin de l’image parfois trop lisse du pays, on apprend avec Anna comment peut se passer la migration des Nord-Coréens, les difficultés pour les personnes de la communauté LGBT (ou LGBTQIA+), notamment transgenres, dans une société hétéro-patriarcale. Sujet déjà abordé dans ce précédent article.
« C’était l’histoire d’un monde binaire. Le Nord et le Sud, les femmes et les hommes, le un et le zéro, le vrai et le faux. C’était l’histoire d’un pays coupé en deux d’une division de genre. C’était une fausse histoire d’équilibre de yin et de yang. C’était une histoire un peu compliquée, qui nous dépassait et que l’on ne voulait parfois pas entendre. »
Page 67
En soi, La Reine d’Itaewon est assez court mais je me suis surprise à prendre mon temps, à vouloir savourer ma lecture. J’aime beaucoup l’illustration en première de couverture et le charisme qui en ressort. Concernant l’histoire, bien qu’elle reste simple, je la trouve efficace. Cependant, sa force est dans le discours que l’on distingue à travers les lignes. L’herbe n’est pas forcément plus verte chez son voisin et partir en voyage nous fait parfois occulter les tensions et complexités d’un pays étranger. Choisir comme thème le questionnement autour du genre et de la transidentité, et rester conventionnel dans ses propos n’aurait pas eu le même effet. C’est ce qui m’a vraiment fait apprécier le livre.
« Ni le Sud, ni le Nord ne voulait remettre en questions leurs valeurs. Sur ce petit territoire se concentre une dictature communiste, et une dictature qui ne dit pas son nom : une dictature néolibérale, invisible, faite de stéréotypes, de préjugés et de diktats de conduites. »
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Où trouver La Reine d’Iatewon ?
Sandrine Holin, La Reine d’Itaewon, Éditions L’Atelier des Cahiers, juillet 2022, ISBN 979-10-91555-76-0
Je tiens à remercier les Éditions L’Atelier des Cahiers pour leur confiance et pour m’avoir permis de lire ce roman très intéressant.
Source : L’Atelier des Cahiers
Source image : Office de Tourisme coréen