Et si vous croisiez le chemin d’une femme à la langue lézard, d’un homme qui voulait être un chat ou d’êtres humains capables de faire des sauts dans le temps ? Venez à la rencontre des symptomatiques dans ce roman-fable sombre et fantastique.
« Il se peut que vous ne rencontriez jamais un magicien. Ce n’est pas parce que les magiciens n’existent pas. C’est parce que vous avez cessé de rêver. Dans ce monde, la magie est partout. Par conséquent, les magiciens sont partout. »
Le Placard, Kim Un Su


L’auteur : Kim Un Su
Kim Un Su est un auteur sud-coréen né à Busan en 1972. Il étudie à l’université Kyung Hee en littérature, où il obtient également un master. Quand il était enfant, il a souvent exploré les rues de sa ville natale, il y a parfois été confronté à la pauvreté, ce qui inspire plusieurs de ses romans.
Le Placard est son premier roman publié en 2006, paru bien plus tard en France (Édition Gingko, 2012). Grâce à ce dernier, il reçoit le Munhakdongne Novel Award la même année. Ce n’est d’ailleurs pas son seul roman récompensé en Corée du Sud, puisqu’en 2017 il remporte le Hahn Moo-Sook Literary Prize pour Sang Chaud. En 2010, il publie son premier polar Les planificateurs qui lui apporte un succès certain à l’international. Actuellement, ce sont les éditions Matin Calme qui publient ses romans en France. Une réédition du roman Le Placard a d’ailleurs été faite en 2021 (traduction française de Choi Kyungran et Pierre Bisiou).
Résumé du roman Le Placard
Dans Le Placard, le narrateur est un jeune homme pas bien ambitieux, décrit comme lent et tranquille. Il ne fait rien après ses études et le temps passe inexorablement. Il cherche tout de même un job et quand il décroche enfin un poste, il atteint déjà la trentaine. Ce narrateur est embauché dans un laboratoire privé et, à sa grande surprise, les employés n’ont pas grand chose à y faire… Gêné au départ, c’est l’ennui qui le gagne rapidement. Pour le tromper, notre narrateur furète dans les archives, jusqu’à tomber sur ce fameux placard. Inlassablement, il tente toutes les combinaisons possibles pour l’ouvrir. Ce placard renferme un tas de dossiers intrigants et passionnants. Visiblement, des patients bien particuliers visitent le Dr Kwon, chef du laboratoire. L’un a un ginkgo qui lui pousse au bout du doigt, un autre fait des sauts abrupts dans le temps, une femme devient plusieurs personnes à la fois. Il va tous les lire, sans exception. Quand un matin, le Dr Kwon le convoque, le narrateur craint d’avoir commis un impair. Au contraire, il se voit même promu assistant. De plus en plus étrange… D’autant plus que ces mystérieux dossiers semblent convoités par une étrange société secrète, prête à tout pour mettre la main dessus.
Mon avis sur Le Placard
Dernièrement, je lis beaucoup de littérature asiatique. Mon premier amour est plutôt la littérature japonaise, j’en ai souvent lu durant mes études, tandis que ma découverte de la littérature coréenne est plutôt récente. Alors quand je vais en librairie, il m’arrive de chercher quelques romans d’auteurs ou autrices coréen(ne)s pour agrandir ma bibliothèque. Le Placard est un des derniers que j’ai acheté.
Le Placard, une fable fantastique
Le Placard est une fable fantastique autant qu’un roman noir plein de paranoïa. Quand je l’ai choisi en librairie, je ne savais pas exactement quoi en attendre, mais je me suis dit qu’il pouvait être sympathique à lire. Cependant, je dois tout de même reconnaître que je m’attendais davantage à un thriller et ce n’est pas du tout le cas. J’ai aussi été attiré par ces mystérieux patients atteints de maladies étranges, l’un veut se transformer en chat, l’autre a un lézard à la place de la langue, etc. Cet aspect fantastique m’a plu dès le départ.
Un protagoniste original
Le protagoniste principal, et narrateur du roman, est un homme somme toute banal. Il n’a rien de spécial physiquement, il est solitaire et fait sa vie sans créer de vague. Quand il décroche du travail dans un laboratoire, il est surpris de ne pas avoir grand chose à faire, si ce n’est réceptionner des colis, trier des documents, etc. Des points qui peuvent surprendre dans une société sud-coréenne où le paraître a une place cruciale. Il faut être beau, être en couple est mieux vu et surtout, le travail acharné y est prôné. Nous pourrions presque le qualifier d’« anti-héro sud-coréen ». Jusqu’au jour où il découvre le « placard n°13 » et par la force des choses, il devient l’assistant du Dr Kwon.
Le Placard… Un OLNI à avoir dans sa bibliothèque !
Les surprises sont nombreuses dans Le Placard. Tout d’abord, la structure du roman est particulière et les faits ne sont pas tous retranscrits dans l’ordre chronologique. Ainsi, l’histoire commence avec notre protagoniste qui répond à l’appel téléphonique d’un des « patients » du Dr Kwon et nous n’apprenons que bien plus tard comment il en est arrivé là. Ce qui surprend également, ce sont tous ces cas étranges et inexplicables. Quand on pense que le prochain ne pourra pas être plus loufoque, l’auteur nous prend de court.
Tout semble décousu dans la première moitié du roman, on ne voit pas bien ce qui pourrait relier tout cela, si ce n’est ce fameux « placard n°13 » et le Dr Kwon, mais petit à petit, l’intrigue s’installe. Une mystérieuse société semble intéressée par les dossiers du placard et serait prête à tout pour les obtenir. Quand on y réfléchit un peu, il paraît clair que ce roman, le premier de Kim Un Su, est une critique de la société sud-coréenne et de tous ses défauts. L’auteur dénonce ces vices avec humour, ironie, le tout mélangé à du drame et de l’action sur la fin.
Le Placard est un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) sorti de nulle part et qui s’éloigne de ce que j’ai l’habitude de lire. Il m’a désarçonné au départ, mais a su me captiver avec ses personnages, ses mystères et sa mélancolie pour me garder entre ses pages. J’ai finalement réellement apprécié cette lecture et découvrir l’histoire dans laquelle l’auteur souhaite nous emmener. Toutefois, ce roman implique un investissement de la part du lecteur, car ce dernier doit accepter de ne pas tout comprendre pendant un temps. Ce qui peut être déstabilisant.
« Ceux qui voient leur propre tombe sont rares.
Mais moi, je pense qu’avant de bâtir sa maison
On devrait construire sa tombe.
Car ceux qui ont vu leur propre tombe
Savent que la vie est précieuse. »
Le Placard – Kim Un Su
Je termine cette chronique avec une petite citation tirée du roman Le Placard. L’auteur achève souvent ses chapitres par un court paragraphe ou quelques phrases, y ajoutant une morale, un trait humoristique, un élément surprenant, etc. qui ne sont pas sans rappeler les haïkus japonais. J’ai particulièrement aimé ce point également. L’auteur prévient dès le début de son œuvre que le roman que l’on s’apprête à lire ne nous laissera pas indifférent et je ne peux que lui donner raison.
Où trouver Le Placard de Kim Un Su ?
Le Placard, Kim Un Su, ed Matin Calme, 04/03/2021, ISBN : 978-2-491-29045-0
Sources : Éditions de l’Aube : (1).(2) | Trames : (1).(2) | Éditions Matin Calme
Article rédigé par Alina.