La publication en avril des mémoires du fondateur de la Corée du Nord Kim Il Sung, À travers le siècle, a créé la controverse en Corée du Sud. En effet, l’ouvrage y a été décrété comme « anti-État » par la Cour Suprême en 2011.
À travers le siècle : la vie de Kim Il Sung
Ces mémoires, séparés en huit volumes, recouvrent la vie de Kim Il Sung, de sa naissance en 1912 jusqu’à son combat armé contre les forces japonaises et la libération de la Corée en 1945. Succès populaire en Corée du Nord, la série de livres est une des principales sources primaires utilisées en Occident pour étudier le régime nord-coréen et la colonisation japonaise de la Corée. Sa véracité est cependant remise en cause par certains spécialistes : les mémoires relatent par exemple la version officielle de la naissance de Kim Jong Il sur le mont Paektu, une version largement contestée en Occident.
Le premier volume a été publié en Corée du Nord en 1992, à l’occasion du 80e anniversaire de Kim Il Sung. Les quatre volumes suivants ont également été publiés de son vivant, tandis que les trois derniers l’ont été à titre posthume, jusqu’en 1998.
En Corée du Sud, ces mémoires ont été publiés en avril par Minjik Sarangbang, une maison d’édition appartenant à une organisation privée qui promeut les échanges intercoréens.
Des mémoires « anti-État » interdits au Sud
Depuis 1998, plusieurs éditeurs ont essayé de publier les mémoires de Kim Il Sung en Corée du Sud. Mais ces tentatives ont échoué car les mémoires violeraient la loi sur la sûreté de l’État.
La Cour Suprême a en effet confirmé en 2011 que À travers le siècle était un ouvrage « anti-État » et était donc interdit en Corée du Sud. L’individu qui s’était rendu en Corée du Nord sans autorisation du gouvernement pour y obtenir une copie du livre a d’ailleurs été condamné à un an de prison.
Or les mémoires ont été publiés en avril 2021. Cette publication s’est faite sans l’autorisation du ministère de l’Unification sud-coréen, qui va donc enquêter sur la manière dont les éditeurs ont agi et prendre des mesures si nécessaire.
Dans la mesure où les deux Corées sont aujourd’hui techniquement encore en guerre, les publications originaires de Corée du Nord doivent être approuvées avant d’être publiées en Corée du Sud. Mais dans ce cas, le ministère n’a pas été informé par l’éditeur.
Démocratie et liberté d’expression
À la suite de la controverse, le représentant du principal parti d’opposition Pouvoir au peuple Ha Tae Keung a déclaré que les autorités sud-coréennes devraient garantir la liberté de la presse en ce qui concerne les mémoires de Kim Il Sung. Selon lui, les Sud-Coréens seraient assez matures pour avoir du recul sur cette lecture et savoir ce qui est vrai ou pas.
Même s’il ne faut pas oublier que ses déclarations ont des objectifs politiques, le politicien finit sur ces mots, qui illustrent parfaitement la controverse : « Si nous interdisons des livres nord-coréens, nous ne sommes alors pas si différents des Nord-Coréens qui interdisent la Hallyu. Nous devrions autoriser la publication des ouvrages nord-coréens afin de prouver la supériorité de la démocratie, qui garantit la liberté de la presse. »
Sources : Yonhap News Agency | The Korea Time | Oxford Bibliographies | North Korea under Kim Jong Il: From Consolidation to Systemic Dissonance