Le drama coréen Memories of the Alhambra était très attendu par la communauté dramavore en raison du casting, de l’intrigue novatrice et de la scénariste, entre autres. En fin de compte, c’est un pari réussi pour l’équipe, malgré quelques faiblesses qui n’entachent guère le rendu final. Explications.
Informations
Titre original : 알함브라 궁전의 추억
Réalisation : Ahn Gil Ho (Stranger a.k.a Secret Forest)
Scénario : Song Jae Jung (W – Two Worlds)
Genres : action, thriller, romance, fantastique
Pays d’origine : Corée du Sud
Diffusion : du 1er décembre 2018 au 20 janvier 2019 sur tvN
Format : 16 épisodes de 70 minutes
Disponibilité : Netflix
Synopsis
Alors qu’il recherche le créateur mystérieux d’un jeu de réalité augmentée génial, le patron d’une boîte d’investissement tombe sur la gérante d’une auberge en Espagne.
Distribution des rôles
Hyun Bin dans le rôle de Yoo Jin Woo
Park Shin Hye dans le rôle de Jung Hee Joo / Emma
Bande-annonce
[su_youtube url= »https://youtu.be/2Lcy3XUDd_A « ]
Premiers pas réussis pour la réalité augmentée à l’écran
Memories of the Alhambra n’est pas le premier drama à intégrer le monde virtuel dans sa trame. Côté chinois, il y a eu Love O2O qui met en avant le monde du jeu vidéo, par exemple. Les Sud-Coréens nous ont présentés des robots dans I’m Not a Robot et Are You Human Too? mais jusqu’à présent, les jeux vidéo n’ont été abordés qu’en 2017 dans le film Fabricated City et le drama Strong Woman Do Bong Soon. Le monde des programmeurs et de la réalité augmentée est donc un genre tout nouveau pour le pays du matin frais. Assez ironique d’ailleurs pour une nation à la pointe des nouvelles technologies et où l’e-sport est un vrai domaine de spécialité. Les jeux vidéo y représentent une activité sociale importante et une profession estimée : la Corée du Sud héberge des champions bien renommés !
Quoi qu’il en soit, Memories of the Alhambra suit Yoo Jin Woo, président de J One Holdings, une entreprise spécialisée dans les jeux vidéo. Après un appel mystérieux, il se rend à Grenade, en Espagne, pour tester ce qu’il découvre être un RPG développé en réalité augmentée. Il plonge alors dans un jeu bien plus réaliste que prévu. Le public est introduit à tous les codes du jeu vidéo : connexion au jeu, ennemis à battre, points de vie et d’expérience, niveaux à grimper, quêtes à résoudre, etc. Efficace et immersif. Un vrai plaisir pour amateurs comme pour experts. Sans aucun doute, la trame ravit les pupilles et fait carton plein chez les gamers. La production n’est certainement pas allée de main morte sur les effets spéciaux et les costumes.
[su_quote]Quelque chose de magique est enfin apparu dans ma vie.[/su_quote]
La réalité augmentée, décor d’un thriller
Le drama met certes en avant la réalité augmentée, mais celle-ci sert avant tout de décor à ce qui s’avère être un thriller. En effet, si le protagoniste Yoo Jin Woo découvre avec émerveillement ce nouveau jeu, les problèmes ne tardent cependant pas à commencer.
[su_quote]La vie n’est pas simple. Parfois, les choses ne se passent pas comme on le veut.[/su_quote]
Au départ, il s’agit de disparition. Événement inquiétant, mystérieux, mais il n’y a pas mort d’homme. Jusqu’au moment où c’est le cas. Quand la réalité augmentée devient réalité tout court, les choses se corsent. C’est alors le début d’une spirale infernale pour Yoo Jin Woo, pour qui les bugs virtuels s’ancrent dans la réalité. Alors qu’il tente tant bien que mal de résoudre ces problèmes et de rester en vie, il passe pour un fou aux yeux du monde entier. Un assez beau parallèle avec les préjugés que les non-initiés aux jeux vidéo portent bien souvent à l’encontre des joueurs : dépendants, pas les pieds sur terre, inutiles, etc.
Ainsi, Memories of the Alhambra est plus qu’une promotion du monde virtuel. Ce drama comporte également du mystère, des enquêtes, de la romance et un nombre non négligeable de rebondissements. Personnellement, je tire mon chapeau bas à la scénariste Song Jae Jung, au don certain pour innover à Dramaland et décidément munie d’une belle plume en matière de scénarios alambiqués. Je me souviens encore de W – Two Worlds (voir critique et coup de coeur d’Aslinn), nouveau dans son genre avec le croisement du monde réel avec un manga et rempli de péripéties à l’infini. Sans compter Nine: Nine Times Time Travel et Queen In Hyun’s Man qui mettaient en scène des voyages temporels complexes.
Un visuel splendide et un script solide, mais quelques faiblesses scénaristiques
Le drama, s’il est très porté action et rebondissements, admet néanmoins quelques lenteurs. En effet, Memories of the Alhambra est surtout un drama cinématographique, à mes yeux.
D’une part, si le drama jongle savamment entre les scènes d’action et les scènes émotionnelles, il lui arrive de ralentir sur certains passages rythmés pour zoomer sur les expressions faciales des acteurs. Une mise en avant des émotions donc, avec une aide musicale aussi. Ainsi, Memories of the Alhambra sait prendre son temps lors des scènes fortes pour impliquer émotionnellement le public, mais abuse parfois des presque arrêts sur image ; tel un roman noir où la description prend trop le pas sur l’action.
D’autre part, les plans cinématographiques sont on ne peut plus réussis et les effets spéciaux sont excellents. Une perle visuelle signée Ahn Gil Ho, réalisateur du drama Stranger où il impressionnait déjà par les excellents jeux de lumière et la noirceur sous-jacente que les plans conféraient au drama. Outre l’incorporation remarquable de la réalité augmentée, Memories of the Alhambra met joliment en valeur Grenade, la ville espagnole où tout commence. Sont présentés les paysages urbains, les rues commerçantes et l’ambiance gaie et ensoleillée. En somme, c’est une mise en image de la vie à l’heure espagnole, joliment implémentée grâce à l’un des nombreux emplois de Hee Joo : guide touristique. Qui plus est, l’histoire culturelle et touristique de Grenade nous est livrée avec un focus sur le célèbre palais de l’Alhambra qui a donné son nom au drama. Une partie historique moins anecdotique qu’il n’y paraît, puisqu’elle est étroitement liée à l’intrigue, avec une exploitation discrète mais profonde des symboles. Ce n’est pas sans me rappeler les romans de Dan Brown (Da Vinci Code en particulier).
Cela dit, le scénario est solide et très bien ficelé, même s’il faut parfois vraiment bien réfléchir avant de tout comprendre. Nous trouvons réponse à toutes nos questions, aussi nombreuses soient-elles. Le script est bien maîtrisé. Preuve en sont les nombreux indices disséminés dans le drama. Des aperçus dans le futur qui créent du suspens, des flashforwards assez audacieux. Je regrette hélas les trop nombreux retours dans le passé. Certes, cette déstructuration temporelle permet de varier les points du vue, mais il est souvent aisé de se perdre dans la chronologie.
Une distribution qui ne déçoit pas, malgré certaines personnalités trop caricaturales
Memories of the Alhambra marque le retour de Hyun Bin sur petit écran. Un retour très attendu depuis Hyde Jekyll Me, son dernier drama en date qui avait hélas déçu bien des fans, moi la première. Affectionné par nombre de dramavores après ses performances dans My Name is Kim Sam Soon et Secret Garden, Hyun Bin dévoile une fois encore ses grands talents d’acteur. Il n’y a pas photo, il tire sacrément bien son épingle du jeu, surtout avec ses yeux si expressifs, dans le rôle de Yoo Jin Woo, un homme torturé. S’il semble d’abord hautain, sa sensibilité est progressivement démontrée alors qu’il persévère malgré les obstacles, aussi difficiles voire tragiques soient-ils. Un développement de personnage que Hyun Bin fait passer à merveille !
En face, nous retrouvons Park Shin Hye (Doctors). Elle se glisse dans la peau de Jung Hee Joo, jeune femme de 27 ans qui doit subvenir aux besoins de sa famille. Cette demoiselle qui a grandi assez vite se veut forte. Hélas, elle a la larme un peu trop facile. Certes, sa vie est réellement jonchée d’épreuves, mais j’ai trouvé son personnage un peu trop fade, caricatural. Peut-être parce que les héroïnes plus badass semblent se démocratiser, je n’ai pu m’empêcher de la souhaiter plus dynamique. Surtout que Hee Joo possède une force intérieure certaine et se montre prête à tout pour ceux qu’elle chérit. Elle avait donc le potentiel d’être plus qu’un simple baume au coeur pour le héros, mais on ne lui en donne pas les moyens scénaristiques et c’est regrettable. Heureusement, Park Shin Hye excelle dans les rôles d’héroïne innocente, ses grands yeux de biche larmoyants étant devenus sa marque de fabrique, et ce projet ne fait pas défaut. D’autant plus qu’elle joue également le rôle d’Emma, un personnage non-joueur au rôle mystérieux. Un avatar virtuel au visage inexpressif que l’actrice incarne avec perfection.
Cela dit, les figures féminines de Memories of the Alhambra en général me plaisent très peu. Outre Hee Joo et ses larmes, nous avons Lee Soo Jin, l’ex-femme infidèle, et Go Yoo Ra, l’épouse croqueuse de diamants. Des personnalités peu savoureuses et peu développées, mais admirablement jouées vu le dédain qu’elles ont suscité en moi. Heureusement que la grand-mère et la petite soeur de Hee Joo sauvent un peu l’honneur féminin en formant une famille (presque) normale. D’ailleurs, petit coup de coeur pour Jung Min Joo, cette petite soeur de 14 ans audacieuse, franche, mais pas énervante. Le petit plus mignon du drama.
Quant aux personnages masculins, ils ne sont pas tous plus développés, mais sont autrement plus attachants ou impressionnants. Le secrétaire Seo Jung Hoon, auquel l’acteur Min Jin Woong (Jugglers) insuffle innocence et maladresse humoristique, un personnage secondaire qui finit par marquer les esprits ! L’ami et collègue Park Sun Ho, pris entre deux (voire trois) feux, à l’incrédulité remarquablement interprétée par Lee Seung Jun (Thirty But Seventeen) et le développeur Choi Yang Ju apporte du rire. Cha Byung Jun se fait exemple du visage retors et égoïste propre à l’humain, un rôle que Kim Eui Sung réussit avec brio, sans surprise au vu de son double rôle dans W – Two Worlds. Peu étonnant donc que son fils Cha Hyun Suk soit si dérangé ! Un homme dont la perfidie apparente cache un mal-être excellemment mis en scène par l’acteur Park Hoon (actuellement à l’affiche dans Haechi). Qu’est-ce qu’il m’aura fait frissonner ! Pour finir, très belle performance de Chan Yeol (EXO) dans le rôle de l’introverti Jung Se Joo, développeur de jeu vidéo un peu gauche, mais ô combien attendrissant.
Musicalement parlant…
La bande-son est principalement composée de chansons tantôt tristes et poignantes, tantôt à suspens, à l’image d’un drama où épreuves, tragédies et péripéties sont légion. Ces OST, chantées par plusieurs grands noms tels que Loco, U Sung Eun, Ailee et Eddy Kim, complémentent donc parfaitement le drama. Retrouvez-les dans cette playlist.
Toutefois, la chanson qu’on retiendra surtout, c’est le fameux titre Recuerdos de la Alhambra (« Souvenirs de l’Alhambra ») joué à la guitare par Jang Dae Geon. Vu le titre de cette oeuvre classique datant de 1896, elle est vraiment parfaite pour illustrer le drama. À se demander qui de la chanson ou de l’oeuvre a choisi l’autre… Basée sur le trémolo, cette chanson se veut douce, telle une ballade. D’abord associée à la beauté d’Emma, elle devient annonciatrice d’action puis précurseur de malheur. Manipulation des émotions au gré du son, donc. De quoi changer notre perception de ladite musique pour les années à venir !
[su_youtube url= »https://www.youtube.com/watch?v=aovSOdos3IQ »]
Memories of the Alhambra : conclusion
Le drama Memories of the Alhambra est beau, enchanteur. Je le recommande vraiment. Certes, il n’est pas parfait : quelques défauts scénaristiques affaiblissent l’ensemble, qui reste heureusement solide. Néanmoins, il reste une pépite cinématographique qui introduit un nouveau thème à Dramaland. Connaissant la propension des Sud-Coréens à fonctionner par phase selon les sujets qui plaisent (voyage dans le temps, pathologie mentale, prêtre, etc), ce drama sera-t-il précurseur d’une nouvelle ère ? Peut-être, vu que le drama a récolté des taux d’audience élevés. En tout cas, je l’espère, car c’est un thème trop peu présent à l’écran, ce qui est vraiment dommage considérant son importance dans la société coréenne moderne.
Sources : Soompi | Yonhap News | Allociné | Page officielle tvN | Netflix | Naver SALT Ent
[instagram-feed]