Depuis quelques années, les films coréens s’ajoutent à la sélection du Festival de Cannes et conquièrent le public. Cette année, Burning de Lee Chang Dong a remporté le prix FIPRESCI, mais ce n’est pas le seul long-métrage sud-coréen ayant fait parler de lui. En effet, The Spy Gone North de Yoon Jong Bin a beau être hors compétition, il n’en reste pas moins une sélection officielle des séances de minuit. Ici, l’actualité rattrape le cinéma sud-coréen. En effet, le film traite des relations entre la Corée du Sud et sa sœur du Nord, des liens actuellement en évolution. Retour sur ce film d’espionnage inspiré d’une histoire vraie !
Informations
Titre original : 공작 (Gongjak)
Titre anglais : The Spy Gone North
Réalisation : Yoon Jong Bin
Scénario : Yoon Jong Bin, Kwon Sung Hui
Genres : drame, espionnage
Pays d’origine : Corée du Sud
Langues originales : coréen, mandarin et japonais
Dates de sortie :
・avant-première le 11 mai 2018 en France (Festival de Cannes)
・le 9 août 2018 en Corée du Sud
・le 7 novembre 2018 en France
Durée : 140 minutes
Synopsis de The Spy Gone North
Séoul, 1993. Un ancien officier est engagé par les services secrets sud-coréens sous le nom de code « Black Venus ». Chargé de collecter des informations sur le programme nucléaire en Corée du Nord, il infiltre un groupe de dignitaires de Pyongyang et réussit progressivement à gagner la confiance du Parti. Opérant dorénavant en autonomie complète au coeur du pays le plus secret et le plus dangereux au monde, l’espion « Black Venus » devient un pion dans les tractations politiques entre les gouvernements des deux Corées. Mais ce qu’il découvre risque de mettre en péril sa mission et ce pour quoi il a tout sacrifié. (source : Festival de Cannes)
Distribution des rôles
Hwang Jung Min dans le rôle de Park Suk Young
Lee Sung Min dans le rôle de Ri Myong Un
Ju Ji Hoon dans le rôle de Jung Moo Taek
Cho Jin Woong dans le rôle de Choi Hak Sung
Bande-annonce
La vulgarisation d’un sujet d’actualité
Les relations entre les deux Corées sont plus que jamais au cœur de l’actualité internationale depuis maintenant plusieurs mois. Peu surprenant donc de retrouver cette thématique sur grand écran. Certes, la cinématographie sud-coréenne met les tensions à l’honneur dans maintes œuvres depuis bien longtemps déjà. Toutefois, là où la propagande dominait jadis, l’idée de réunification peuple aujourd’hui les longs-métrages sud-coréens. Dernièrement, c’est le film JSA de Park Chan Wook qui est de nouveau sorti au cinéma en version restaurée vingt ans après sa première sortie en salles. Peu avant, c’est en mai 2018 au Festival de Cannes que le sujet est remis au goût du jour. Si Burning frôle le thème en tournant à Paju, The Spy Gone North nous plonge en plein dedans tandis que le statu quo diplomatique avance vers une possible résolution.
Ce long-métrage traite donc de cette frontière séparant la Corée en deux depuis 1951. Il parle plus particulièrement de la réunification en se basant sur l’autobiographie de l’ex-espion Park Chae Seo dont le nom de code « Black Venus » a été repris dans cette adaptation cinématographique. À cette fin, le réalisateur Yoon Jong Bin incorpore plus d’une décennie dans la chronologie de son oeuvre. Il couvre ainsi la crise nucléaire qui s’intensifiait et le début du dégel potentiel entre les Corées.
Un film en deux parties
Très clairement, la narration se fait en deux temps. Tout d’abord, nous sommes envoyés au début des années 90, alors que de nombreux bouleversements politiques marquent l’Asie du Sud-Est. Immergés dans une atmosphère de thriller paranoïaque aux couleurs d’époque, nous appréhendons progressivement les diverses personnalités qui entrent en jeu. Nous commençons ainsi par l’agent sud-coréen Park Suk Young, envoyé espionner le Nord sous la couverture d’un commercial ordinaire. Plus précisément, sa mission est d’enquêter sur le programme nucléaire de Kim Jong Il (père de Kim Jong Un). Le Nord possède-t-il la fameuse arme ? Une question qui amène Suk Young à jouer les agents doubles qui n’a le droit à aucune erreur s’il souhaite garder la vie sauve. À travers ses déplacements, nous découvrons aussi la réalité des deux pays. Nous est dévoilé l’état de guerre qui sévit au Nord, au cœur de la dictature toujours présente à l’heure du jour, tandis que le Sud s’efforce de se développer et de tendre vers la prospérité.
D’ailleurs, Hwang Jung Ming joue ce rôle clé à la perfection. S’il prenait des allures d’un clown de service flirtant avec l’immoralité dans The Battleship Island, il présente cette fois-ci une fausse jovialité flirtant avec le sérieux de la mission de son personnage. Une gaieté qui laisse peu à peu place à l’accablement, le désespoir et les émotions plus intenses allant de pair avec la seconde moitié du film.
Les enjeux grimpent lentement mais sûrement
Parlons-en, de cette seconde moitié. Si l’enjeu nucléaire est clairement énoncé au début du film, les machinations politiques prennent progressivement le pas sur cette problématique. En effet, les masques tombent et les motivations gouvernementales se font connaître. The Spy Gone North se fait alors révélateur des intrigues politiques coréennes et l’intrigue devient glaçante. Même si les enjeux semblent moins dramatiques qu’au départ, cette seconde partie prend une note plus sentimentale, plus humaine. Désillusions et débats psychologiques abondent et la suspicion flirte avec l’entente et l’amitié. Et lorsque le cœur se bat avec la raison, quand des choix difficiles mais fondamentaux doivent être réalisés, arrive le moment où nous nous projetons et ressentons de l’empathie pour les personnages.
Oui, car il faut savoir que The Spy Gone North est un film d’espionnage dans lequel une grande majorité de l’action passe par le dialogue : rapports de force, péripéties, etc. Le rythme global du film pâtit d’un trop de bavardages. De ce fait, des longueurs se font sentir, surtout dans la première heure qui m’a paru quelque peu confuse. En effet, il faut suivre les voyages de Suk Young à Séoul, Pékin et Pyongyang tout en notant les rôles des autres acteurs. Personnellement, j’ai trouvé cette mise en situation très longue et je le ressens comme un démarrage difficile. Heureusement, le film décolle, même si nous restons dans le registre du film d’espionnage où les protagonistes négocient plutôt qu’un film d’action. Cela dit, c’est le but recherché par le réalisateur, qui souhaitait partager la vie réelle des espions. En tout cas, j’apprécie certainement le caractère à l’ancienne donné à l’oeuvre, avec filature, champs / contrechamps serrés, teinte sépia, équipements d’époque et tous les problèmes qui vont avec.
Conclusion
The Spy Gone North traite du conflit entre les deux Corées, qui n’est en fin de compte qu’un prétexte pour raconter le désastre humain, tout comme l’avait fait Park Chan Wook avec JSA. Si la première heure présente quelques longueurs, la seconde séquence fait dans l’émotion. Loin du thriller attendu, il n’en reste pas moins un film d’espionnage très intéressant. Il faut avouer que The Spy Gone North est culturellement passionnant et se fait même leçon d’histoire, tout cela avec un casting imposant. En tout cas, il a certainement plu au public de l’Étrange Festival dont la 24e édition s’est tenue début septembre au Forum des images à Paris et dont j’ai profité pour visionner le film. En effet, The Spy Gone North y remporte le Grand prix et le prix du public.
Sources : CJ Entertainment | Allociné | Yonhap News | 20minutes
[instagram-feed]