Une nuit bleue et profonde est une nouvelle mélancolique de Choe Inho. Il nous y raconte le désarroi de deux jeunes Coréens, rêvant de liberté et bientôt submergés par l’immensité de leurs vies vagabondes.
À propos de l’auteur
Né en 1945, Choe Inho (최인호) était un romancier sud-coréen. Après ses études en littérature anglaise, il commença à écrire des nouvelles qui firent polémique en leur temps. En 1970, il publia Le buveur, suivi de La chambre de l’autre en 1971. Ces premiers écrits racontaient, sur un ton sarcastique, la société de consommation. Pris dans le flot de l’industrialisation de la Corée des années soixante-dix, ses personnages se retrouvent face à la déshumanisation du consumérisme. Plusieurs de ses ouvrages ont été adaptés en téléfilm. En France, deux de ses romans ont été traduits. Vous pourrez retrouver Une nuit bleue et profonde et La tour des fourmis, parus chez Acte Sud. Connu pour son goût pour la boisson, Choe Inho mourut en septembre 2013 à l’âge de 68 ans.
Pour mieux comprendre le travail de Choe Inho
Résumé
Roulant sans trêve sur les routes californiennes, deux Coréens partent à l’aventure. Tandis que les immenses étendues américaines se profilent à l’horizon, le rêve de l’ailleurs libérateur laisse bientôt place à une mélancolie profonde. Où partent ces deux hommes ? Et qu’essaient-ils de fuir dans cette Amérique démesurée ?
Mon avis
Une nuit bleue et profonde est l’une des célèbres nouvelles de Choe Inho lui ayant valu de remporter le prix Yi Sang en 1982. Tout au long des quatre-vingt sept pages qui contiennent ce récit, on suit un duo mélancolique. Il est composé d’un musicien déchu devenu accro à la marijuana et d’un auteur empli d’une colère sourde et inexplicable. Sans trop savoir pourquoi et où ils s’en vont, les deux hommes roulent et roulent vers l’infinité des routes californiennes.
Alors, les paysages se suivent. Littoraux où la mer se déroule à l’horizon ou plateaux enneigés, les États-Unis se déposent lentement sur leurs cœurs révélant la profonde solitude qui les tient. Ce blues à la fois triste et beau permet à l’auteur d’évoquer cette jeunesse coréenne des années 1980 qui fuit son pays en rêvant d’un ailleurs plus clément. Le désenchantement pessimiste que narre l’auteur n’est pourtant pas dépassé. Et il est fort à parier qu’alors que de plus en plus de Coréens émigrent vers d’autres horizons, ce livre puisse avoir un certain écho dans leurs cœurs.
De manière très personnelle, j’ai été touchée par cette nouvelle qui m’a permis de me projeter dans mon propre vœu d’ailleurs. Pour nombre de jeunes occidentaux passionnés de culture coréenne ou portés par la vague Hallyu, la Corée sonne comme un eldorado de l’imaginaire. Parfois sans y être jamais allés, nous rêvons de ce pays. Et une fois découvert, nous nous enchantons toujours davantage. Serons-nous touchés par ce même blues qui étreint les personnages de Choe Inho ? Ou trouverons-nous -comme la diaspora coréenne chez qui les deux personnages élisent domicile- une terre où nous grandirons ? Peut-être que c’est finalement le renoncement sur lequel se conclut le livre qui raconte vraiment l’état de la jeunesse, indépendamment de toute nationalité. Et c’est un vrai bonheur littéraire que de découvrir dans des pages ces mêmes sentiments qui nous animent et font que nous sommes humains.
« Nous qui nous exilons, où voulons-nous aller ? » semble nous dire le récit. Et cela nous atteint profondément comme une profonde nuit bleutée.
Où le trouver ?
Une nuit bleue et profonde de Choe Inho, traduit par Roger Leverrier, 1992, Ed. Acte Sud, ISBN 978-2-8686-9898-8
Sources : Biographie de l’auteur |présentation des oeuvres de Choe Inho
Article rédigé par Casado Hélène.