Auteure reconnue, je vous propose de découvrir un autre ouvrage de Pak Wan Seo. Paru en 1992, Hors les murs a connu un fort succès en Corée du Sud. Il paraît en France pour la première fois en 2012 et en est à sa troisième réédition !
Avant-propos
Née en 1931, à Gapyeong (province de Gyeonggi, en Corée du Nord), Pak Wan Seo publie son premier roman en 1970, L’arbre nu à l’âge de 40 ans. Elle publie une quinzaine de romans et des nouvelles (dont Trois jours en automne), ainsi que de nombreux prix littéraires. Parmi ses œuvres, Hors les murs est un livre autobiographique, retraçant la jeunesse de l’auteure dans un pays en plein chamboulement.
Si son style d’écriture a l’air simple, Pak Wan Seo dépeint sans détours ce qu’elle voit. C’est également un récit à plusieurs niveaux : une histoire dans l’Histoire. Les Piquets de ma mère, autre récit aux bases autobiographiques, est le précurseur de ce livre, dont la première partie devance celui de Hors les murs.
Mon avis sur Hors les murs
Un récit autobiographique
Pak Wan Seo nous confie ses souvenirs sur son enfance jusqu’au début de sa vingtaine. Ses premières années de vie à la campagne coréenne ont résonné en moi. À travers ses descriptions, je me suis rappelé avec nostalgie mes propres vacances d’été : le temps et les lieux sont différents, mais le ressenti fut le même.
Hors les murs retrace les événements qui ont marqué l’auteure. On sent la présence de la jeune Pak Wan Seo dans sa manière de s’exprimer, et celle qui écrit et ponctue d’observations et de remarques l’impact sur sa vie actuelle. Ou le recul et une perception différente de ce qu’elle avait pensé plus jeune.
On observe aussi sa construction et son évolution, du point de vue de sa personne et de son parcours littéraire. On y apprend son rapport à la lecture, l’accès aux livres par différents biais. Avec le hangeul, c’est une histoire compliquée, entre son grand-père lettré qui refuse tout écrit autre que le hanja, et une scolarité sous l’occupation japonaise.
« Peut-être l’intérêt que je portais à la lecture ne venait-il pas des livres en eux-mêmes, mais de tout ce qu’ils faisaient naître en moi. Quand je quittais mon livre et que je voyais par la fenêtre le ciel et les ombrages, il me semblait découvrir un monde tellement différent de celui auquel j’étais habituée et cette transformation de la réalité me comblait d’une joie extatique. »
Page 131
Mais une lecture à plusieurs niveaux
Le livre aborde la rupture entre la campagne et la ville, notamment sur la mentalité des gens. Pak Wan Seo passe d’un monde aux allures d’ancienne Corée confucianiste, à celui qui se croit meilleur, car plus moderne. Son regard change : elle, qui vivait dans un cocon protecteur, doit apprendre à vivre dans la pauvreté. Tout en essayant de garder sa dignité, comme le faisait sa mère.
« J’entendais les battements de mon cœur. Ils me disaient la fin de la paix tranquille dont j’avais joui, la crainte que l’on éprouve instinctivement lorsqu’on quitte son monde familier pour entrer dans la bataille de la vie. »
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La relation avec cette dernière est à couteaux tirés. Le lien qui les unit s’effiloche, se consolide, puis se tord. On perçoit les questionnements autour du comportement de sa mère : est-elle un modèle à suivre ? Elle l’admire pour sa décision de partir vivre à Séoul, mais la réalité de leur situation vient tout ébranler. C’est également le cas de son frère, qui apparaît tour à tour mature, taciturne et idéaliste. Dans une Corée qui subit la colonisation japonaise, puis la guerre, fait-il réellement de bons choix ?
« Maman appelait sans distinction tous les quartiers qui étaient à l’intérieur des quatre portes les « dans les murs » et elle pensait que c’était les seuls quartiers où l’on pouvait vivre correctement. Son rêve était d’y habiter un jour, mais « dans les murs » aussi, il y avait des taudis. »
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Au-delà de son autobiographie, l’auteure donne un aperçu du quotidien des Coréens quand l’Histoire est en marche. Hors les murs est un témoignage historique. À l’école, elle ne parle que japonais. Faut-il abandonner ou non son nom coréen et subir les conséquences ? Puis l’intervalle d’un temps plus calme, avant que la tempête ne commence. Enfin, le début de la guerre… Pak Wan Seo a vécu tous ces événements et retranscrit sans se perdre en fioritures ce qui se passait pour les habitants de Corée.
En complément de la lecture, l’éditeur propose une vidéo sur les lieux évoqués dans le livre, avec la possibilité de voir ce qu’ils sont devenus aujourd’hui. Un vrai plus pour s’immerger complètement !
Où trouver Hors les murs ?
Hors les murs, Pak Wan Seo, traduit par Hélène Lebrun, l’Atelier des Cahiers, mars 2020 (3e réédition), ISBN : 979-10-91555-65-4, au prix de 18 euros.