Eun Ja Kang est la première écrivaine d’origine coréenne à écrire en français. Dans son deuxième roman l’Étrangère, elle revient sur son destin singulier, retraçant cet amour pour la langue française. Elle traite aussi de la condition féminine. Le français devient un moyen d’émancipation.
« Mon âme est française, mon sang est coréen, voilà la contradiction avec laquelle je vis, mais qui peut-être me fait vivre ».
L’Étrangère, Eun Ja Kang.
Le choix du français : une langue d’écriture qui s’impose
Née en Corée du Sud en 1966, Eun Ja Kang découvre la langue française en 1982, lorsqu’elle est reçue au Lycée de Haenam. Elle choisit le français comme première langue étrangère. Elle sera reçue première à la faculté de Langues étrangères de l’université Chung-Ang. Venue en France en 1989, elle y poursuit ses études de lettres et décide d’écrire des romans en français. Son premier roman, Le bonze et la femme transie est paru en 2002. En 2013, son deuxième roman L’Étrangère reçoit le prix du Rayonnement de la langue et de la littérature françaises de l’Académie française. Elle dénonce la condition féminine et montre que le roman devient un moyen d’émancipation.
Dans son roman L’Étrangère, elle revient sur son engouement pour la langue française et les auteurs français. La romancière mentionne notamment Antoine de Saint-Exupéry, Stendhal et Proust. L’apprentissage du français dépasse le cadre scolaire dans la mesure où il occupe tout son temps libre, et tout son esprit. C’est pourquoi, on peut parler « d’amour fou » du français. Elle compare son amour du français à l’amour qu’on porte à une personne. Il y a donc une personnification de la langue française.
Le français est la langue qui s’impose dans la vie de la romancière. D’une part, le français la fait rêver, c’est-à-dire qu’il permet l’évasion de son esprit. D’autre part, Eun Ja Kang rêve d’écrire en français comme le suggère la phrase suivante : « je désire poursuivre mes études pour vivre mon amour du français et réaliser mon rêve » (partie 3, chapitre 7). Le français est un moyen d’émancipation et de libération.
Le français : synonyme de combat
Le roman d’Eun Ja Kang possède une dimension autobiographique puisqu’elle retrace son destin. Elle montre qu’écrire en français implique de mener un véritable combat : un combat social et un combat intellectuel.
Tout d’abord, l’écrivaine doit mener un combat social et économique dans la mesure où elle appartient à un milieu défavorisé. En effet, issue d’une fratrie de cinq enfants, Eun Ja Kang perd son père à l’âge de trois ans et c’est sa mère, aidée de ses deux aînés, qui doit subvenir aux besoins de toute la famille. Cette précarité est perceptible dans le domaine scolaire. D’une part, l’éducation coréenne privilégie les enfants de famille aisées. L’auteure est victime de discrimination et de la hiérarchisation instaurée par l’éducation coréenne. Il s’agit donc d’une éducation sélective : elle valorise les enfants appartenant aux familles aisées et plus particulièrement les garçons. En effet, dans les années 1980, l’instruction des filles est restreinte. D’autre part, Eun Ja Kang possède peu de fournitures scolaires comme elle l’explique : « Je dois économiser mon cahier et mes crayons (…) je le sais bien : nous écrivons même dans les marges et sur les couvertures de nos cahiers » (partie 2, chapitre 4).
Mais il s’agit aussi d’un combat intellectuel. Son amour pour la langue française est incompris et rejeté. En effet, dans une société où règne la réussite scolaire et sociale, on ne choisit pas un métier par passion mais par raison. En effet, Chang Kang Myoung dans Parce que je déteste la Corée dénonce la pression concernant les études et la réussite sociale. Le combat d’Eun Ja Kang est donc double dans la mesure où elle doit défendre la filière littéraire mais aussi le français comme elle nous le dit : « la meilleure en math a opté pour la filière littéraire et la meilleure de la filière littéraire choisit maintenant le français » (partie 3, chapitre 14). Cependant, elle ne renonce pas et tente de combattre les préjugés.
Mon avis sur la roman l’Étrangère

J’ai découvert le roman L’Étrangère d’Eun Ja Kang dans la petite librairie parisienne Le Phénix dans le cadre d’un séminaire consacré au bilinguisme. J’ai été piquée de curiosité par la première de couverture. Tout d’abord, j’ai été intriguée par le titre. Le titre souligne-t-il son statut d’étrangère ? (en tant que personne d’une autre nation). Est-elle étrangère en France ou en Corée du Sud ? Son amour de la langue française la conduit-elle à un rejet de sa langue et de son pays natal ? De plus, l’utilisation d’une photographie authentique, significative du caractère autobiographique de l’œuvre, interpelle le lecteur.
J’ai beaucoup apprécié la forme littéraire choisie et notamment la dimension autobiographique. En effet, l’utilisation du pronom personnel « je » et la mention d’expériences personnelles donnent au roman une forme d’authenticité. Eun Ja Kang s’intéresse à la condition féminine. Elle aborde notamment la difficulté d’instruction et d’éducation des filles. Elle montre que les femmes sont victimes d’une double domination : une domination de genre et une domination sociale. Cette thématique est aussi abordée par la romancière Cho Nam Joo dans son roman Kim Jiyoung née en 1982.
Où peut-on se procurer l’Étrangère d’Eun Ja Kang ?
Si vous souhaitez vous plongez dans l’histoire d’Eun Ja Kang, vous pouvez vous acheter le livre sur le site de la librairie du Phenix.
Article rédigé par Hye Mi.