Le petit dernier chez Netflix s’appelle Love to Hate You. Le drama romantique sort-il des sentiers battus ou reste-t-il convenu ? Réponse dans cette critique.
Si les K-dramas et, de manière plus générale, les dramas asiatiques se sont démocratisés ces dernières années – devenant plus accessibles et regardés par un public varié -, ils ont souvent souffert d’une image stéréotypée. En effet, ils proposent régulièrement des romances à l’eau de rose « pour les filles » usant de schémas scénaristiques bien huilés, vus et revus.
L’affirmation est loin de refléter la diversité réelle des dramas coréens. Mais les comédies romantiques (anciennes comme récentes) présentent parfois des schémas convenus, et même datés, aussi bien pour les personnages féminins que masculins. Alors, à l’heure où les plateformes de streaming investissent en masse dans l’industrie télévisuelle coréenne, où se place Netflix dans le genre de la comédie romantique avec sa dernière proposition, Love to Hate You ?
Tout savoir sur Love To Hate You
Informations

- Titre original : 연애대전
- Titre anglais : Love to Hate You
- Genre : Comédie romantique
- Pays : Corée du Sud
- Réalisation : Kim Jeong Kwon
- Scénario : Choi Soo Yeong
- Date de sortie : 10 février 2023
- Épisodes : 10 épisodes
- Durée des épisodes : 52 minutes
- Plateforme : Netflix
Synopsis
Yeo Mi Ran, avocate de profession, se méfie des hommes et n’a donc aucune intention de se lancer dans une relation sérieuse avec l’un d’eux. Nam Kang Ho, étoile montante du cinéma coréen, a la réputation d’être un gentleman au grand cœur, mais se méfie lui aussi des femmes lorsque les caméras s’éteignent. Afin de faire taire des rumeurs infondées à son sujet, Kang Ho demande pourtant à Mi Ran de jouer le rôle de sa petite amie pendant quelque temps, afin que l’affaire se tasse.
Distribution de Love to Hate You
Pour cette comédie romantique, le réalisateur Kim Jeong Kwon (Lie After Lie) et la scénariste Choi Soo Yeong (My ID is Gangnam Beauty), tous deux habitués aux séries romantiques, ont engagé Kim Ok Bin (Arthdal Chronicles) pour interpréter Yeo Mi Ran. Audacieuse et courageuse, cette femme compte bien ne pas se laisser marcher dessus par les hommes, aussi bien dans sa vie personnelle que professionnelle.
Elle retrouve un autre acteur d’Arthdal Chronicles en la personne de Yoo Teo (Dr Brain) qui joue le rôle de Nam Kang Ho. Acteur commençant à s’installer durablement dans le paysage audiovisuel coréen, il est connu pour être le « roi » des séries romantiques. Pourtant, loin des caméras, le véritable Nam Kang Ho semble bien loin du parfait gentleman dont tout le monde parle.

Autour du duo principal, vous pouvez retrouver Kim Ji Hoon (Money Heist : Korea) dans le rôle de Do Won Jun, l’agent et meilleur ami de Kang Ho. Amis depuis le collège, Won Jun fait tout son possible pour garder l’image publique de son ami intacte, même quand ce dernier lui mène la vie dure.
Go Won Hee (Revolutionary Sisters) prête ses traits à Shin Na Eun, la meilleure amie de Mi Ran. Hôtesse de l’air, elle et Mi Ran vivent en colocation et partagent tous leurs secrets.
Le reste du casting comprend, entre autres, Lee Joo Bin (Love in Contract) dans le rôle d’Oh Se Na, le premier amour de Kang Ho, Kim Sung Ryung (Kill Heel) qui joue Choi Soo Jin, une actrice de l’agence de Won Jun ou encore Jeon Shin Hwan (The Fabulous) qui interprète Lee Jin Seo, l’ex petit ami de Mi Ran et désormais son collègue.
Love To Hate You : véritable proposition ?
K-Drama, romances et archétypes narratifs
Avant de commencer pleinement cette critique, il est primordial de faire le constat, qu’on essaiera succinct, des schémas et archétypes narratifs qui font les comédies romantiques coréennes. Et malgré toutes vos protestations, je sais que plusieurs images de ces archétypes vous ont déjà traversé l’esprit avant même la fin de cette phrase.
Un archétype est un modèle ou un idéal sur lequel se base, au choix, une histoire, un personnage ou un point d’intrigue. C’est ce que les anglo-saxons appellent les tropes (à ne pas confondre avec le trope français, ou tropos, une figure de style).
Si ces archétypes existent depuis la nuit des temps, leur avènement (et parfois leur remise en cause) arrive avec Internet et des sites de recensement comme TV Tropes. Ou encore les œuvres transformatives, telles que les fanfictions où ces archétypes représentent parfois des sous-genres en eux-mêmes. Je pense par exemple au fameux « Enemies to Lovers » (littéralement en français : d’ennemis à amants) qui repose sur la construction suivante : deux personnes diamétralement opposées finissent par tomber sous le charme l’une de l’autre et terminent ensemble à la fin ou un point donné – les variantes sont multiples – de l’histoire. Ou de manière plus générale, l’archétype du héros qui embarque dans un voyage initiatique afin d’accomplir une quête quelconque (on pourra citer ici bon nombre de héros de littérature et cinéma comme Ulysse de l’Odyssée ou Luke Skywalker de Star Wars).


Alors, quelle est la place des archétypes dans les dramas coréens, et notamment les comédies romantiques ?
Ils foisonnent.
Si l’archétype est inhérent et même essentiel à une histoire, force est de constater qu’on peut en recenser un bon nombre qui façonnent le style des séries coréennes. Une liste non-exhaustive ci-dessous des plus courants avec des exemples. Notez que certains dramas peuvent se retrouver dans plusieurs catégories :
- Les opposés qui s’attirent (Crash Landing on You, Mad For Each Other, The Greatest Love)
- Un homme riche avec une femme pauvre (Coffee Prince, Successful Story of a Bright Girl, Princess Hours)
- Les fausses relations (Marriage Contract, Love in Contract, Because This is My First Life)
- La méchante belle-mère (Misty, Boys Over Flowers, Heirs)
- Première rencontre du couple pendant l’enfance (Miss Panda & Hedgehog, It’s Okay to Not Be Okay, Blood)






Si certains archétypes cités ci-dessus peuvent faire sourire et être même très appréciés, ils peuvent aussi vieillir une série tant la façon dont certains sujets sont traités peuvent paraître quelque peu rétrograde (et notamment en ce qui concerne l’écriture des personnages féminins, surtout dans une société où la place et les droits des femmes sont encore une lutte bien réelle). Alors, que faire ?
Si l’on pourrait penser qu’user d’archétypes est la preuve d’un manque d’originalité et que les éviter est transgressif, il n’en est rien. En effet, comme je le disais plus haut, les archétypes (ou tropes) font partie intégrante des récits. Au final, c’est l’utilisation et la variation donnée à un archétype qui fera toute l’originalité et pourra venir dépoussiérer certains schémas.
Une romance réinventée ?
Où se situe Love to Hate You avec les archétypes récurrents des comédies romantiques coréennes ?
La série commence en nous présentant Yeo Mi Ran : une femme affirmée et accomplie, redresseuse de torts quitte à employer la force. Plus que tout, les premières minutes s’attardent à nous montrer sa longue liste d’amants, notre héroïne étant bien loin de vouloir s’engager dans une relation sérieuse. Mi Ran dénote pour les habitués du genre, à l’opposé de nombre d’héroïnes ingénues n’attendant rien d’autre que le grand amour. De plus, les deux personnages principaux se retrouvent plus ou moins à un niveau de vie similaire, laissant aux dernières décennies les relations aux différences sociales importantes.
S’il est vrai qu’une partie du drama s’appuie sur l’archétype de la fausse relation, son nombre d’épisodes restreints permet à l’intrigue d’avancer rapidement et de s’épargner de longues scènes où aucun des deux protagonistes ne voudra avouer son amour pour l’autre, préférant souffrir en silence (et nous avec eux). Mi Ran et Kang Ho communiquent. Ils n’ont pas peur d’exprimer leurs sentiments une fois qu’ils sont sûrs d’eux et ne perdent pas de temps avec des quiproquos hasardeux. Car oui, même si on peut apprécier l’attente toujours plus grandissante que créent ces péripéties qui retardent le moment où la romance se concrétise enfin, la communication et la maturité font beaucoup de bien et m’ont rendu Mi Ran et Kang Ho encore plus attachants.




Plus que tout, le drama fait la part belle à la sororité : exit les ex à la jalousie maladive ou les compétitions entre femmes à outrance. Love to Hate You nous propose, à travers Yeo Mi Ran, une vraie solidarité entre femmes, qu’elles soient amies ou non. Le soutien, par les mots ou les actes, fait plaisir à voir – et il était temps ! – là où d’autres dramas auraient facilement pu antagoniser certains de ces personnages féminins.
Cependant, toutes les propositions ne sont pas forcément convaincantes. Si l’idée de base des opposés qui s’attirent est toujours une formule qui me plaît personnellement, je regrette que le personnage de Kang Ho ait vite basculé dans la case de l’homme quasi parfait dont les défauts apparents n’étaient – attention spoiler – en fait que le résultat d’un chagrin d’amour et d’un traumatisme d’enfance.
Des justifications pouvant mener à attendrir le spectateur là où les défauts de Mi Ran sont parfois au cœur des épreuves traversées par le couple principal. Certains éléments perturbateurs de l’intrigue viennent critiquer une société où les femmes sont toujours jugées pour un oui ou pour un non, d’autant plus quand leur petit ami est une figure publique. Mais il est dommage que la quasi-totalité des ces éléments narratifs concernent une femme, là où Kang Ho endossera alors le rôle du parfait gentleman dont les défauts n’en sont pas vraiment.
Sans proposer une véritable révolution, Love to Hate You a tout de même le mérite de proposer une revisite mature et attachante de plusieurs archétypes typiques des comédies romantiques coréennes. Bien rythmée et abordant des sujets de société actuels, la série est parfaite pour se dévorer en quelques jours.
Sources : Han Cinema | Larousse | TV Tropes | IMDb