Dimanche 3 Novembre : FFCP 2019, Jour 5
Dernière grosse journée de festival qui débute par un classique : Barking Dog, le premier film de Bong Joon Ho. Je l’avais lui aussi découvert en DVD, sur un petit écran, et c’est donc un plaisir de le regarder sur grand écran. Outre la joie de regarder Bae Doo Na jouer, c’est très intéressant de se pencher sur les premiers films car ils ont souvent des défauts, mais il est aisé de retrouver les caractéristiques émergentes des réalisateurs. Ainsi, outre le mélange des genres qui est devenu familier dans le cinéma coréen, c’est surtout son humour noir qui détonne et rend le film étrange au premier abord et délicieux pour les amateurs du genre. Un classique donc, que de nombreux spectateurs sont venus admirer sur grand écran un dimanche matin, malgré la piétonisation des Champs-Élysées.
Mon cinquième jour du Festival du Film Coréen à Paris se poursuit avec le doux House of Hummingbird. L’histoire d’une famille coréenne qui s’aime mais se déchire, et de la benjamine qui grandit et tente de trouver une place et de se construire. Une jeune fille qui traverse de nombreuses épreuves, dont le deuil ; le deuil d’une amie, perdue lors de l’effondrement d’un pont en 1994. Cet événement, qui arrive vers la fin du film, est pourtant l’élément déclencheur qui a inspiré Kim Bo Ra, la réalisatrice présente pour l’après séance, pour la réalisation de ce film. Elle explique que pour les Jeux Olympiques de 1988 à Séoul, beaucoup de constructions se sont terminées dans la hâte, au mépris des règles de sécurité. Ainsi, un pont et un supermarché se sont effondrés en 1994, causant la mort de nombreuses personnes. Certains sont sans doute familiers de ce drame car il a été abordé dans de nombreuses œuvres coréennes, notamment dans le drama Angry Mom.
Sans se laisser freiner par les difficultés techniques pour recréer l’ambiance et l’environnement de 1994, Kim Bo Ra se sert de ces évènements pour mettre en abyme la fracture matérielle causée par l’incident du pont et celle moins évidente et moins brutale qui se crée entre l’héroïne et ses amies. 1994 est également l’année où la réalisatrice était collégienne, ce qui lui a permis de se replonger dans ses souvenirs et ses émotions pour construire le rôle de Eun Jee, pour diriger les actrices et traquer les expressions idéales.
Interrogée sur les éléments autobiographiques du film, Kim Bo Ra révèle que la maison d’Eun Jee est dans le même quartier de Gangnam que là où elle a grandi, que ses parents avaient également une pâtisserie et que l’ambiance de classe était identique à la sienne.
Une spectatrice pointe le doigt sur le fait qu’aucun colibri n’est montré durant le film alors qu’il est présent dans le titre. Elle livre donc les rapides déductions faites après quelques recherches, ce qui enthousiasme la réalisatrice qui admet qu’elle voulait que les spectateurs fassent la recherche et leurs déductions. De son point de vue, le colibri possède les trois qualités incarnées par Eun Jee : la vie, la persévérance et l’amour. Ainsi, malgré les obstacles et son corps frêle, elle continue d’avancer dans sa vie et ne se laisse pas abattre.
Plus discrète, l’assistante de réalisation prendra notamment part aux questions sur la place des femmes dans le cinéma coréen. Les deux femmes soulignent le fait que c’est un peu à la mode, que les femmes prennent de plus en plus de place (par exemple, cette année, la parité a été respectée dans les films présentés au festival de Busan) mais qu’il y a encore des progrès à faire. D’autant plus que les femmes ont une approche et une sensibilité différentes. Après la question d’un spectateur sur la volonté de mettre un côté queer dans House of Hummingbird, Kim Bo Ra répond simplement qu’il a toujours été clair pour elle que Eun Jee était bisexuelle, et que même si certaines de ses camarades ont des passages où elles se disent homosexuelles avant de changer d’avis, ce n’est pas le cas de son héroïne. Cette après-séance aura ainsi permis de comprendre que ce film est plus engagé que ce qu’il paraît lors du premier visionnage.
Je conclus cette journée avec Nous, Les Chiens, film diffusé en avant-première lors du FFCP car c’est en effet le seul film de la sélection à avoir trouvé un distributeur. Il sortira donc dans les salles françaises au printemps 2020. L’univers graphique de ce film d’animation est très poétique, ce qui permet de mettre une certaine distance avec la cruauté liée à l’abandon d’un chien et à ce que ce dernier doit endurer. Nous, Les Chiens est touchant, parfois drôle, souvent émouvant et démontre une nouvelle fois que le cinéma d’animation ne rime pas forcément avec jeunes enfants. Il fait d’ailleurs clairement partie des films pensés pour des adultes, notamment parce que la fin prend un tout autre sens si vous parvenez à repérer l’endroit où se termine l’histoire. Pressée de retrouver la boule de poils qui partage ma vie, je rentre des étoiles (et un peu de larmes) plein les yeux.