Après avoir repoussé sa sortie pour cause de crise sanitaire, Escape From Mogadishu a enfin pu sortir sur les écrans sud-coréens en 2021 avant d’être de nouveau diffusé à l’occasion de Chuseok, au début du mois. Après un passage au 16e Festival du Film Coréen de Paris, plongez au cœur du récit avec notre critique à l’occasion de la sortie française en DVD du film.
Tout savoir sur Escape From Mogadishu

Informations
- Titre anglais : Escape From Mogadishu
- Titre original : 모가디슈
- Pays : Corée du Sud
- Réalisation : Ryu Seung Wan
- Scénario : Lee Gi Cheol & Ryu Seung Wan
- Dates de sortie : 28 juillet 2021 (première sortie coréenne), 7 septembre 2022 (nouvelle sortie coréenne), 21 septembre 2022 (sortie DVD en France)
- Durée : 121 minutes
- Genres : drame, action
Synopsis
Librement inspiré de faits réels, Escape From Mogadishu narre l’histoire des ambassades sud-coréenne et nord-coréenne en Somalie au début des années 1990. Les deux pays, tentant de faire partie du Conseil des Nations unies, cherchaient un soutien international afin d’appuyer leur requête. Alors qu’une bataille féroce pour le soutien du gouvernement somalien fait rage, les protestations contre le gouvernement du président Barré se font plus nombreuses et plus intenses, atteignant un point de non-retour en janvier 1991 où la capitale, Mogadiscio, se transforme en véritable champ de bataille entre forces armées et manifestants. Livrés à elles-mêmes, coupées de toute communication extérieure, les délégations sud-coréenne et nord-coréenne vont devoir s’entraider afin de survivre et réussir à quitter le pays.


Distribution de Escape From Mogadishu
Après presque trois ans depuis sa dernière apparition sur grand écran, Zo In Sung (Unexpected Business) est de retour dans le rôle de Kang Dae Jin, conseiller de l’ambassadeur Han Sin Seong interprété par Kim Yun Seok (Virus). Du côté nord-coréen, nous retrouvons Heo Joon Ho (Why Her?) dans le rôle de l’ambassadeur Rim Yoong Soo, épaulé par Koo Kyo Hwan (Monstrous) dans le rôle du conseiller Tae Joon Gi.




De gauche à droite et de haut en bas : Zo In Sung, Kim Yun Seok, Heo Joon Ho & Koo Kyo Hwan
Le reste du casting est composé d’acteurs et actrices expérimentés. Nous retrouvons notamment Kim So Jin (Emergency Declaration) dans le rôle de Kim Myeong Hee, Jung Man Sik (Cafe Minamdang) dans le rôle du secrétaire Gong Soo Cheol, Kim Jae Hwa (Cleaning Up) dans le rôle de Jo Soo Jin ou encore Park Kyung Hye (Love in Contract) dans le rôle de Park Ji Eun.
Escape From Mogadishu : de l’action au service du drame
Entre huis-clos et action
Si Escape From Mogadishu se présente comme un film d’action sur certains sites spécialisés, ce n’est pas tout à fait vrai. Des scènes d’action sont présentes mais ne représentent pas le cœur du récit. Le film est avant tout un drame mettant en exergue les tensions entre la Corée du Nord et la Corée du Sud sur le plan politique et sur le plan humain. La première moitié du film est d’ailleurs très riche en dialogues, en scènes de négociations et de stratégies, donnant quelques longueurs au film. La seconde moitié laisse la place aux points culminants de l’intrigue.
Le premier, l’hébergement par l’ambassade sud-coréenne de la délégation nord-coréenne au beau milieu de la nuit. Entre affrontements violents dans les rues de la ville et cohabitation hostile, enfermé dans les locaux sud-coréens, le spectateur est tenu en haleine par ce huis-clos de fortune où les années de propagande, de part et d’autre du 38e parallèle, sont confrontées à la réalité et la gravité de la situation.
Le second, la course-poursuite effrénée entre les deux délégations, tentant de rejoindre l’ambassade italienne, et les forces armées et les rebelles. Haletante et impressionnante, cette scène d’action pure agrémente ce drame à merveille afin d’élever les enjeux et l’attente des spectateurs.


Mogadiscio : une ville mais surtout un personnage
L’une des forces du film réside dans la retranscription de la ville de Mogadiscio. Plus qu’un simple décor pour le drame de Ryu Seung Wan, la ville se révèle un personnage à part entière, reflétant d’ailleurs parfois les relations entre les délégations sud et nord-coréennes. D’abord méfiantes, ces relations se tendent et s’accusent, tout comme la tension à Mogadiscio augmente avant d’atteindre le point de rupture.
La ville prend tour à tour le visage de Samwa, le chauffeur de l’ambassadeur sud-coréen, jeune homme des plus ordinaires au demeurant, catalyseur des tensions subséquentes et du début des affrontements entre forces policières et manifestants. Elle se personnifie et se déchire ensuite sous les traits tantôt des rebelles armés, tantôt des policiers et militaires mobilisés pour réprimer les manifestants, témoin de la réconciliation impossible entre les deux facettes de la ville.


D’abord trésor convoité par les ambassadeurs dans leur quête de reconnaissance internationale, Mogadiscio devient enfin le dénominateur commun des inquiétudes des deux ambassadeurs, l’ennemi commun qui, dans sa violence quotidienne, rapproche finalement les deux délégations. L’influence de Mogadiscio fait, lentement mais sûrement, basculer la perspective des personnages vers l’idée d’un « nous » commun, fort, immuable et solidaire.
Mogadiscio et les deux Corée : la guerre pour la paix ?
A l’instar d’autres films traitant des relations entre la Corée du Nord et la Corée du Sud – je pense notamment à As One (2012), dans un registre bien plus léger, ou encore The Spy Gone North (2018) – Escape From Mogadishu tente de transmettre un discours plus nuancé, moins caricatural sur les Nord-Coréens. Au point de départ de cette représentation, une guerre, au sens propre comme ici avec la guerre civile somalienne, une guerre froide comme dans The Spy Gone North, comme au sens figuré comme dans As One avec une guerre sportive contre les championnes chinoises. C’est à travers ces guerres que les personnages sud et nord-coréens parviennent à agiter le drapeau blanc l’espace d’un instant, de quelques jours ou plusieurs semaines. Comme il est possible de le voir dans d’autres films ou faits d’actualité concernant la Corée du Sud, le frère ennemi d’un jour peut devenir le frère de demain face à une adversité plus grande.


Comme souvent, ces rapprochements se font à l’aide de l’humanité des personnages, mettant en confrontation la théorie (leurs pensées, idéologie, propagande, etc.) à la pratique (une réalité qui est parfois bien plus complexe) où les relations humaines priment sur la méfiance et l’animosité. Et c’est là la force de Escape From Mogadishu.
Au milieu de la terreur ambiante dans la ville, c’est cet humanisme qui va faire basculer le film et nous offrir plusieurs scènes poignantes, comme celle du repas improvisé entre les deux délégations. Il est d’ailleurs important de noter que ce rapprochement est également possible grâce aux deux ambassadeurs, les plus âgés du groupe, qui, au vu de leur âge approximatif et de l’année des faits (ndlr : 1991), sont sans doute assez vieux pour avoir connu, ne serait-ce que quelques années, une Corée unifiée. Comme un témoin de la cicatrice encore vivace de cette démarcation.
Conclusion
S’inscrivant dans la lignée des récits proposant une lecture plus nuancée et plus humaine du conflit opposant Corée du Sud et Corée du Nord dans un environnement étranger et hostile, Escape From Mogadishu réussit à être plus qu’un simple divertissement aux scènes d’action bien filmées. Entre suspense et drame, le film ne vous laissera pas indifférents.
Sources : Han Cinema | IMDb
Remerciements : MENSCH Agency
Pour en savoir plus : Korea JoongAng Daily