Aujourd’hui, je viens vous parler du drama Mr. Sunshine que j’ai particulièrement apprécié de par son ambiance très « cinéma », son casting incroyable et ses bandes son originales envoûtantes. Vous l’aurez compris, il s’agit pour moi d’un coup de cœur notamment pour son récit inspiré de faits réels.
Aujourd’hui, chers Owlers, je vais donc vous faire un parallèle historique entre drama et réalité. Alors, si comme moi vous êtes avides d’en savoir plus sur ce pan de l’Histoire coréenne, de décrypter et comprendre un peu mieux la narration de Mr. Sunshine, la suite de l’article est pour vous.
L’écriture de cet article m’a permis de mieux comprendre le contexte historique de Mr. Sunshine, mais aussi, les critiques qu’il a pu recevoir quant à sa présentation et vision de cette partie de l’Histoire coréenne. Pour ceux qui ne connaîtraient pas le drama Mr. Sunshine, ne vous inquiétez pas, un petit récapitulatif arrive.
Présentation du drama Mr. Sunshine
Mr. Sunshine est un drama de 24 épisodes de 1 h 20, diffusé entre le 07 juillet 2018 et le 30 septembre 2018 sur la chaîne de télé TvN et sur la plateforme Netflix. Le scénario est rédigé par Kim Eun Sook, à qui l’on doit notamment Lovers In Paris (2004), Secret Garden (2010), Descendants Of The Sun (2016) et Goblin (2016-2017).
Synopsis du Sageuk
Lors de l’expédition de Shinmiyangyo en 1871, un jeune esclave cherche à s’enfuir. Il finit par monter sur un navire américain. Des années plus tard, il revient à Joseon en tant qu’officier de la marine américaine en 1901. Lors de son retour, il fait la rencontre de la petite-fille d’un aristocrate, Go Ae Sin dont il tombe amoureux. Il s’agit d’une jeune noble qui se bat secrètement avec l’Armée vertueuse pour la libération de Joseon. Durant la même période, il découvre un complot visant la colonisation de la Corée de la part des États-Unis et du Japon.
Mr. Sunshine, son casting en bref
Vous pourrez retrouver dans le rôle principal de Mr. Sunshine l’acteur Lee Byung Hun (Squid Game, I Saw The Devil, Défense d’Atterrir), neuf ans après sa dernière apparition télévisuelle, et l’actrice Kim Tae Ri (Revenant, Handmaiden, Twenty Five Twenty One) qui fait sa première apparition sur le petit écran.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le drama en lui même, un article existe déjà sur K.OWLS.
Pourquoi Mr. Sunshine est un Sageuk particulier ?
C’est quoi un Sageuk ?
Le terme Sageuk désigne un genre télévisuel coréen et correspond à des drames historiques. En ce qui concerne la période historique dans laquelle doit se dérouler l’intrigue, il s’agissait originellement de la période avant la colonisation japonaise, soit avant 1910. De nos jours, on considère qu’un drama est un Sageuk à partir du moment où il prend lieu avant la fin de la période coloniale, soit avant 1945.
En quoi Mr. Sunshine est il un Sageuk original ?
Mr. Sunshine apparaît ainsi comme nouveau dans le paysage audiovisuel, car il s’agit du seul drama qui se concentre sur la période de transition entre la fin de l’ère Joseon et l’Empire de Corée.
Pour que vous compreniez mieux, si l’on se concentre sur la fin de la période Joseon, à partir de 1864 et 1897, je peux vous présenter divers drama et films, récents ou non.
Je pourrais vous parler de Empress Myeongseong (1864-1895), Gunman In Joseon (1876), Jejoongwon (1885), Nokdu Flower (1894-1895) et Gabi (1896).
De plus, beaucoup de drama et de films implantent leurs intrigues lors de la période d’occupation japonaise, soit à partir de 1910. Eyes Of Dawn (1910-1953), Hymn Of Death (1921), The Last Princess (1925-1962), Bridal Mask (1930), Chicago Typewriter (1930), sont tout autant de dramas dont le récit se déroule entre 1910 et 1930.
Il existe beaucoup d’autres films et dramas sur ces deux périodes et cette liste non-exhaustive me permet juste de vous montrer l’originalité et la nouveauté qu’apporte Mr. Sunshine lors de sa sortie en 2018 dans le paysage audiovisuel.
Le contexte historique pour mieux comprendre le Sageuk Mr. Sunshine
La fin de l’ère Joseon
Vers la fin du XIXe siècle, les forces occidentales cherchent à établir un contact avec l’Asie. La Chine et le Japon acceptent, tandis que la Corée reste sur ses positions et refuse. En 1863, à la suite de la mort du roi Cheoljong, Gojong devient le vingt-sixième roi de l’ère Joseon. Durant cette période, la Corée du Sud a une politique très isolationniste et centrée sur la Chine et la dynastie Qing.
Malheureusement, cette dynastie est en déclin suite aux deux guerres de l’opium, tandis que le Japon prend de l’essor, notamment suite à la signature du traité de Kanagawa (1854) le liant aux États-Unis.
Le début du règne de Gojong va être perturbé par plusieurs attaques navales de pays occidentaux, notamment venus propager le christianisme. En 1866, la France attaque l’île de Ganghwa, mais est repoussée par les Coréens. Cette même année, un navire marchand américain, le General Sherman, se retrouve détruit suite au passage de la porte de Keupsa sans autorisation de Joseon.
C’est pourquoi, la riposte des Américains en 1871 sur l’île Ganghwa (expédition Shinmiyango), renforce l’isolationnisme coréens et notamment la fermeture de celui-ci sur le monde occidental.
En ce qui concerne l’ouverture au Japon, celle-ci se fait en 1876, suite à l’attaque d’un cuirassé japonais sur les îles coréennes en 1875 (Ganghwa et Yeongjong). Joseon est donc obligé de signer le traité de Ganghwa. Il s’agit d’un traité unilatéral et le premier traité illégal signé par la Corée. Il oblige Joseon à ouvrir les villes de Busan, Chemulpo (Incheon) et Wonsan aux échanges internationaux. Ce traité permet aussi d’affaiblir les liens existant entre Joseon et le Royaume de Chine.
Après une politique isolationniste de plusieurs siècles, Joseon s’ouvre petit à petit. En 1882, Joseon et les États-Unis signent un traité de commerce et d’amitié qui sera ratifié l’année d’après. Dix ans plus tard, en 1895, le Japon remporte sa victoire contre la Chine. Cette guerre a été enclenchée suite au non-respect par le Japon du traité de Tianjin signé en 1885, avec l’éclatement en 1894 de la « Guerre des Paysans ». Le traité Tianjin garantissait une indépendance relative de la Corée. Suite à cette victoire, le Japon réitère le traité mais obtient la presqu’île du Liaodong au sud de la Mandchourie. Et le 8 octobre 1895, Miura Goro, un ambassadeur Japonais présent en Corée, fait assassiner la Reine Myeongseong.
Suite à tout cela, le roi Gojong, influencé par le Japon et les idées occidentales, se proclame « Empereur des Hans » en 1997. Il se déclare être l’égal de l’empereur de Chine et affirme son indépendance. Il s’agit donc de la fin de l’ère Joseon et du début de l’Empire de Corée (Daehanjeguk).
(Choson est la version scientifique pour décrire l’ère Joseon)
Le début de l’Empire de Corée (Daehanjeguk)
Suite à la signature du traité, la présence étrangère est renforcée à Joseon. En parallèle, le Japon et la Russie souhaitent, entre autres, un accès à l’Océan Pacifique pour faciliter les échanges internationaux, ainsi que l’annexion de la Mandchourie et de la Corée. Le 23 février 1904, Hayashi (ambassadeur du Japon au Royaume de Corée) signe le traité nippo-coréen qui permet à l’armée japonaise une totale liberté d’action en Corée.
Durant cette période de guerre, les États-Unis prennent parti et soutiennent le Japon avec l’objectif de préserver leurs intérêts géopolitique en Extrême Orient. C’est ainsi, qu’en juillet 1905, ils facilitent la politique du Japon envers la Corée au travers d’un accord secret.
En août 1905, la guerre prend fin suite à la médiation du président Roosevelt. Bien sûr, un traité est signé le 5 septembre 1905 (traité de Portsmouth), qui, en plus de marquer la fin de la guerre, interdit à la Russie d’intervenir quant à la politique nippone en Corée.
Dans le but de renforcer son emprise, le Japon fait signer un traité de protectorat (traité d’Eulsa) le 17 novembre 1905 par la Corée. Cette signature est rendue possible grâce à cinq protagonistes, connus aujourd’hui sous le nom des « Cinq traîtres d’Eulsa » (principalement des ministres en place). Malgré un refus de signer de plusieurs autres ministres et de l’Empereur Gojong, cela n’empêche pas le traité d’être effectif quasi immédiatement après la signature des « traîtres ». Ito Hiborumi devient donc le Résident Général de Corée.
Ce traité ne fait que réveiller la colère des Coréens qui organisèrent des missions pour assassiner les traîtres et se venger. Plusieurs rejoignirent l’Armée vertueuse pour défendre leurs droits.
En 1907, l’Empereur Gojong essaie d’annuler le traité d’Eulsa lors de la seconde conférence de la Haye, sans résultat. De plus, à peu près au même moment, le Japon force l’empereur Gojong à abdiquer et à dissoudre les forces armées. Suite à cela, une révolte s’enclenche et donne lieu à la Bataille de Namdaemun. Cette bataille est une des grandes révoltes organisées par l’armée vertueuse et a été suivie par le journaliste canadien Frederick Arthur Mackenzie.
En ce qui concerne l’Armée Vertueuse (armée irrégulière qui émerge lorsque le pays ne peut se défendre), elle est constituée de soldats coréens, de Yangban patriotique (aristocrates) et de roturiers. Elle est déjà apparue à plusieurs moments clés de l’Histoire coréenne mais elle s’est très largement intensifiée et renforcée à la suite de l’incident d’Eulmi, soit l’assassinat de la Reine Myeongseong en 1885. Cette dernière avait pour but de défendre la Corée contre la politique colonial du Japon.
La colonisation et l’occupation japonaise
Le 28 août 1910, le Japon et la Corée signent un traité d’annexion. Bien que ce traité soit signé sous la contrainte, il est reconnu à l’époque comme valide selon les droits internationaux. Les États-Unis soutiennent la politique japonaise, ce qui leur permet de maintenir et garantir leurs intérêts économiques.
Cette occupation par les japonais a connu des contestation de la part des coréens, notamment lors du « Mouvement du 1er mars 1919 » (Samil Undong). Il s’agit du premier soulèvement national contre le pouvoir en place. Malheureusement il échouera et cette occupation durera plus de 30 ans, soit de 1910 jusqu’en 1945, fin de la Seconde Guerre mondiale.
Mr. Sunshine un Sageuk original et ses critiques
L’Histoire comme inspiration au profit du Sageuk Mr.Sunshine
De nombreux éléments historiques cités précédemment sont représentés dans le Sageuk Mr. Sunshine. Le premier est l’expédition de Shinmiyango en 1871. C’est d’ailleurs à ce moment-là que démarre la construction du personnage de Choi Yoo Jin, jeune esclave qui fuit Joseon sur un navire de la marine américaine qui rebrousse chemin après l’échec de l’expédition. Lors de la scène d’ouverture l’on peut notamment apercevoir le roi Gojong lors de sa huitième année de règne. De plus, les événements de 1866 sont abordés.
Ces évènements permettent de contextualiser et d’installer la problématique du héros qui reviendra dans les années 1900 dans l’Empire de Corée comme officier de la marine américaine. Considéré comme étranger par les deux camps, il a du mal à trouver sa place, partagé entre son pays de naissance et son pays de cœur.
Des évènements historiques prennent part visuellement ou sont évoqués dans le drama tel que l’abdication du roi Gojong et la bataille de Namdaemun.
De plus, différents personnages historiques ont des rôles dans le Sageuk. Vous pourrez donc retrouver le roi Gojong, Ito Hiborumi, Hasegawa Yoshimi, les Cinq traîtres d’Eulsa ou Frederick Arthur Mackenzie.
Une citation réelle de l’interview de l’Armée vertueuse par Frederick Arthur Mackenzie est d’ailleurs utilisée dans le dernier épisode : « Nous savons que nous sommes tous condamnés à mourir si nous continuons ce combat. Mais nous n’aimerions absolument pas vivre comme des esclaves japonais. Nous préférons mourir en hommes libres. »
Une adaptation nouvelle qui n’est pas entièrement fidèle à l’Histoire
Comme je vous le disais précédemment, le Sageuk Mr. Sunshine est unique, car il est le seul à traiter de cette partie de l’Histoire coréenne. Le directeur disait ceci à propos de Mr. Sunshine : « Il existe de nombreuses séries dramatiques se déroulant dans les années 1930, à l’époque où l’occupation japonaise de la Corée battait son plein. Mais il n’y a pas beaucoup de séries dramatiques sur le début des années 1900, lorsque les gens luttaient pour protéger le pays d’une invasion imminente par le Japon […] Nous voulons parler des gens de cette époque […]. La plupart des nations ont leur propre histoire de modernisation et d’invasions par des forces extérieures. L’histoire a donc un attrait universel. »
Mr. Sunshine c’est entre 10 % et 20 % d’audience en direct sur la télévision coréenne. Aujourd’hui encore, il s’agit du 4ème drama TvN en terme de cote d’écoute. De plus, le drama est très largement diffusé à l’étranger et c’est cet aspect là qui gène notamment le peuple coréen.
Étant donné que le drama est diffusé par la plateforme Netflix, celui-ci a une diffusion internationale. Certains Coréens ont donc peur, du fait de l’adaptation et de la romanisation de l’Histoire, que les mauvais messages ne soient perçus par les spectateurs internationaux. Certains ont même signé une pétition qui a été envoyée à la Maison Bleu (l’équivalent de l’Élysée en France ou de la Maison Blanche aux États-Unis).
Il est donc important de prendre avec des pincettes l’adaptation qui ne se veut pas fidèle à l’Histoire mais qui l’utilise au profit de son scénario. C’est d’ailleurs pour cela que vous pouvez voir apparaître ce message, à partir du 5ème épisode : « Cette histoire est une fiction inspirée de faits historiques. Certains lieux et personnages sont purement fictifs. »
Conclusion
Mr. Sunshine est donc un Sageuk à voir, car il vous permettra de découvrir une partie de l’Histoire coréenne au travers d’une œuvre qui se veut cinématographique. Bien sûr, toute adaptation est à prendre avec des pincettes. L’histoire est romancée et scénarisée pour plaire à un public et n’est pas fidèle en tout point à l’Histoire. Pour le reste, c’est un drama devant lequel j’ai pris énormément de plaisir et dont j’écoute régulièrement la bande originale. Pour tous ceux qui souhaiteraient le découvrir, il est présent sur la plateforme Netflix.
Sources : Hancinema | Tvn | SensCritique | Cairn (1)(2) | Centre culturel coréen | Service coréen pour la culture et l’information (KOCIS) | Korea.net | Destination Corée | L’Histoire | Korea JoongAng Daily | Yonhap News Agency | « Croquis de Corée » (Benjamin Joinau et Elodie Dornand de Rouville, Ateliers des Cahiers) | « Vivre la Corée » (Kim Soo, Gallimard Voyage) | University Of St Andrews ı Revue « Culture Coréenne » du Centre culturel coréen (1)(2)